mardi 22 mai 2012

Nouvelle, pour être au courant !


Une famille branchée !
Chez nous, la télé trône au milieu du salon. Grande, imposante ! Ce meuble noir fait de plastique et de diverses ferrailles installées à l’intérieur en d’inextricables réseaux  -  de fils, de câbles, de pièces électroniques diverses et variées -  s’impose au premier regard.
Je contemple donc la télé, chaque fois que je me retrouve assis dans le vaste canapé du salon, face à cet autel moderne devant lequel je sacrifie et prie plusieurs fois par jour. Ma famille aussi n’est pas en reste. Fils, fille, femme, et moi-même, nous quatre y allons de nos commentaires moqueurs, voire acerbes parfois.
Ce meuble de laque noire nous nargue plusieurs fois par jour, en soirée surtout, à l’heure où, après le dîner, nous nous installons au salon. Irène dans un fauteuil qui lui permet de se tenir droite & de pouvoir tricoter à son aise, mon ils Michel et ma fille Claire, m’entourant de leur corps adolescent de part et d’autre du canapé violet, qui semble dégager des ondes de bonheur.
Voilà le modèle familial dans son confort bourgeois, surpris sur le fait d’être une bonne famille française. Image dépassant les frontières de notre beau pays, puisque j’imagine à cette heure, que bien des peuples européens doivent faire la même chose, certainement… Cliché convenu certes, mais il faut bien quelquefois sacrifier aux clichés, puisque c’est la stricte vérité. Je ne saurais vous mentir ! Ma famille semble obsédée par cette foutue télé ! Les deux ados la contemplent, telles deux vaches regardant passer un train. Irène, concentrée sur sa tâche, agite ses aiguilles en tous sens, tandis que son regard flotte devant l’écran.
Un journal à la main, je tombe quelquefois sur la page des programmes télé, lisant par avance les commentaires à propos des films, des reportages, des émissions politiques… Que de choix qui s’offrent à nos yeux ! J’en aurais presque le vertige…
Michel nous propose une glace, nous l’acceptons volontiers tandis qu’il se dirige de sa démarche maladroite vers le frigo de la cuisine. Claire, heureuse de pouvoir converser avec son papa, m’entretient de sa journée d’école, et du denier devoir qui lui a valu un seize sur vingt. Il faut dire que nous avons la chance d’avoir deux enfants plutôt bons élèves. Que du plaisir ! & je l’apprécie chaque jour que Dieu fait.
Nous conversons ainsi, Irène approuvant d’un signe de tête, Michel distribuant le dessert avec gentillesse. Une famille heureuse, devant la télé. Je vous le répète, une bonne famille française. Pas de quoi se vanter.
Et c’est ainsi presque chaque soir de la semaine hormis le week-end, où nous partons pour la campagne. Dans la maison de mes parents âgés, qui, comme nous, ont une immense télé, ou plutôt, un écran noir rectangulaire ressemblant à un aquarium de nuit. Noir, tout noir.
En effet, mes parents et ma famille, nous avons la télé. Elle nous a été offerte par un malheureux concours de circonstances. Mais jamais, au grand jamais, nous ne l’allumons ! On la regarde, et c’est bien suffisant. De savoir que ce meuble noir et laid occupe la vie de millions de braves gens nous horrifie. Et de plus, éclairés à la bougie, nous n’avons même pas l’électricité… Pour en faire quoi d’ailleurs ?

FIN