Blues
spirite
Un burlot farfadeur s’en allait à la ville
Un jour de marchadé pour y vendre sa claine
Il espérait bien fort en tirer quelques mille
Pour s’offrir par la suite une vaste putaine
Chemin faisant la pauvre claine larmichait :
La bolcherie cruelle l’attendait au tournage
Imbibé de spirites
Aux rades alentours
Notre burlot slipeux crapardait de traverse
Notre claine inspirée chiqua la blessamore
Pour inciter son maître à différer la vente :
« Krébonguiou ma clainette, qu’as-tu donc à blairer ? »
Burlotait notre andouille écumant et crachant
« Je m’en vais t’aligner une valse aux adieux ! »
Si donc fit le bougrin et la triqua si fort
Qu’elle en crevit la beîte comme une pauvre claine
Adieu les gros billets et la vaste putaine
Le burlot tout confit n’avait plus que sa haine
Pour pleurer sur son sort et sa déconfitaine
Fin de
campagne
…L’orateur
ne parvenait pas à clôturer son discours.
Il avait
utilisé des mètres de littoraliture, de bobarbelés galvanisants et d’hexamètres
dactyliques hyperbranchés.
De toute
façon, le courant ne passait plus dans la salle. L’auditoire étouffait
sous
l’âcre remugle d’une foule croupissante ;
et
l’atmosphère, pleine comme un œuf, était à son comble.
On
entendait bien ça et là, de temps à autre, quelques ronflementsonges qui
ponctuaient avec peine
l’interminable
spitche.
Trop
dense, le discours courait comme un torrent furieux.
Un
hurlementsonge final du grand blablateur
fit
grésiller les sonotones
et brusquement,
l’assistance assistée,
rallumant
ses écouteurs et rassérénée,
se remit
d’aplomb pour embrayer la Marionnaise finale.
La
campagne était close dans la grande Cité,
ouverte à
tous les vents
de la
vieille patrie pétomaniaque
Grappe
Les grains
bavardent clairs au cœur de la nuit brune :
-
Je mûrirai, dit
l’un,
et désaltérerai
le gosier d’un puissant,
la gorge
d’un enfant,
le palais
d’une reine.
-
J’abreuverai dit
l’autre et je caresserai
les
papilles des hommes
quand je serai plus grand.
-
Moi, dit encore un autre,
je ne
mûrirai pas je suis déjà mourant
car je vis
dans la peur de me voir englouti.
-
Tu ne vivras
jamais le plaisir du partage,
l’offrande de ton jus,
la
connaissance offerte, la grume délivrée.
-
Dessèche-toi bien
vite pour laisser de l’espace
Aux autres
grains pressés de devenir bouteille.
« A cheval sur le vin » riez frères
humains !
La divine
boisson sera notre chanson
et nous
galoperons en joyeux échansons
pour
verser dans vos verres
les crus
de l’univers !
Avant que
le soleil ne fonde
En une
douce flaque ronde
J’aurai
trouvé la bonne bonde
Heureusement
la rime abonde
Le renonçant
Je suis le
goliard de Condate
Le clerc
vagant qui vous épate
Je peux
jongler avec six balles
Raconter
la vie Hannibal
Courir le
risque de mourir
Et de vous
faire parfois sourire
Je suis le
joglar le manant
Le
va-nu-pieds qui par les champs
Sème un
air de belle innocence
Sur la
glèbe de la souffrance
Je suis
des enfants l’amuseur
Des rois
le triste séducteur
Et si
j’obéis à leurs lois
C’est pour
mieux leur mordre les doigts
Quand je
mange à leur table d’hôte
Pousse-toi
de là que je m’y ôte
Et je m’en
vais Caïn caha
Traînant
ma misère et mon chat
Et je m’en
vais par ci par là
Voir si
des fois je n’y suis pas
La semence de mon destin
A été livrée au moulin
Je
ramasse un épi doré
Futur
froment de ma jeunesse
Le
soleil tamise mon sang
Caresse
le cou de l’été
Et
je m’endors entre tes blés
Joli
meunière fille du vent
A quoi bon
Quand
l’existence est détestable
Qu’on a du
chagrin plein les yeux
Quand
l’évidence est exécrable
Et qu’ça
irait p’têt un peu mieux
Si ça vous
grattait moins la gorge
Quand y’a
plus d’feu au fond de la forge
Qu’on na
plus le cœur à la fête
Ni rien
pour s’égayer la tête
À quoi
qu’ça sert à quoi qu’ça sert
De sourire
et de semblant d’faire
De faire
aller comm’ci comm’ça
De
r’sasser et d’avouer tout bas
Bonjour
Monsieur comment ça vit ?
Mes
hommages à vos canaris !
Et vous
Madame à votre porte
Enchanté
de vous savoir morte !
A quoi bon
larmer sur son sort
Se
r’garder s’dire qu’on est encore
Un être
humain une apparence
De
quelqu’un d’bien
Qu’a pas
eu d’chance
A quoi bon
s’poser des questions
Y’a-t-il
un sol une solution
Un
exutoire un palliatif
Une raison
d’vivr’ un vrai motif
Bonsoir
Monsieur toujours en vie ?
Tordez
l’cou à vos canaris !
Et vous
Madame sur le seuil
Combien
voulez-vous de cercueils ?
Même
discours même oraison
Je vais me
faire sauter la caisse
Même folie
même détresse
Je vais
m’faire sauter le caisson
Foutre le
feu à ma paillasse
Mett’le
feu à mon paillasson
Quand
l’existence est détestable
Qu’on a du
chagrin plein les yeux
Il est
l’heure de quitter la table
Et
d’s’envoyer aux septièmes cieux
***
" I hope it is no crime
to laugh at all things – for I wish to know
what, after all, are the
things but a show.” Lord Byron