jeudi 30 avril 2009

nouvelle échevelée

FADO MINEUR EN REGALANCE
Une mise en scène

I
Je suis née un jour d’oubli, de froide résurgence. Il pleuvait ce jour-là des adieux de poèmes. Les filles à marier hoquetaient comme des cloches. Et le beffroi sonnait des airs d’hallali.
Tous étaient sur la paille : l’âne, le bœuf et l’autre, qui lorgnait dans l’œil du voisin. On aurait pu croire qu’il tombait des faucilles, que le sang répandu avait un goût de miel - avec son petit ru qui coulait par saccades. Les rues poissaient, le beau temps moisissait, et même les ailes des mouches n’y croyaient plus à l’envol de la pensée.
La chouette de Minerve avait fermé boutique, son œil et son clapet, baissé le rideau de fer ; et seul les becs de cane indiquaient encore le Nord, l’espoir droit devant, au fond de la cour à gauche.
On respirait mal. On transpirait bien. Les peuples agitaient des carcasses de rêve au-dessus de leurs têtes.
Seule dans mon accoutrement du premier jour, suspendue à une poutre, un clou, un harnais, un lange bien noué, je cherchai des sensations fortes. Déjà mon odorat pouvait distinguer l’odeur des ombres vives, des âmes mortes ; bref ! Le monde, et son cortège d’hallucinations habituelles. La vie est un songe, isn’t it Mister Calderon ? Des remugles de cuisine, de pisse tiède, de brioche ; et l’odeur d’un violon neuf qui vient juste d’être verni.
On aurait pu être à Venise, on n’était qu’à Mornebach, petit village de rien du Doubs. Altitude 429 mètres, boucherie - charcuterie à tous les étages, un bistrot, Le pourquoi Pas ? ; et une kyrielle d’habitants effrontés : fruits de la passion, pommes de discorde réunis en quelques quartiers, jetés là, au hasard des saisons.
Ma première impression fut la bonne. Elle était épaisse comme une tranche de bon pain avec juste deux belles taches de fruits rouges qui lui servaient de joues ; belle à croquer, appétissante à souhait pour le marmot que j’étais. La bonne était ma nourrice. Ma nourrice fut la bonne. J’étais sauvée.

II
Le mythe des origines était une fois de plus en première page. Ma photo y tenait lieu de preuve, y était bien en place, et j’y tenais à cette illustre action, au format 9 x 13. Bien que n’y tenant plus, il vaut la peine de dire que le photographe anonyme nous avait fait languir, j’étais en veste de fourrure, avec un zeste de fou rire, offerte au monde... Le journal m’avait gratifié d’une photo à la Une. Unique en son genre la mouflette, en verve ! Mais plantons- là le décor et oublions les apparences. Moi, genre ogresse en miniature, suçotant à loisir la belle bombe de chair fraîche de sa nourrice, nue, dans ma seule veste de fourrure.
Elle, béate, comme si elle “faisait” ça pour la première fois, les dents bien en vue, le bras souple m’enlaçant. On m’avait élevée à la hauteur humaine. J’étais, pour le lecteur, la métaphore vive du clone, atteint par la grâce de la modernité. Légende : “Le retour des beaux jours”. Ce n’était qu’une photo publicitaire, pour la publicité. Mon destin pouvait désormais s’acheter, ou se vendre; au plus offrant.

III
Ici commence un nouveau rêve. O sotie ! Poignée de main aux oiseaux. Je leur jette les mies blanches de mes nuits. Pas de culpabilité et surtout pas de finitude. Je revendique un concept moderne de destin : une poignée de pain de mie, de mie de pain, partager l’intelligence du jour. Avec qui ? Allégeance et contingence ? Avec quoi ? Se bousculent encore les voix abolies, les visages muets, traces absentes, interfaces défaites. Malgré tout, jubilons ; car si tout est déceptif, rien ne sert de mourir ; il faut, il vaut la peine, plutôt, de partir à temps vers le pays d’Oblaaaaablaaation. Offrons nos corps à la mitraille, nos cœurs à la vindicte, et profilons bas, à l’anglaise comme je te pousse, et sautons les obsolescents obstacles des religions, confondues en magmas volcaniques. Que ces borborygmes sacerdotaux ruinent nos pas, grèvent notre budget militaire et que s’embrasent désormais sur la bouche à feu, le sabre et le goupillon, la salive des clairons, la salve du sauveur suprême, l’écrivain de la vie. Fin du rêve ?
Il est temps de revenir à ma genèse... Donc, au deuxième jour, je fus prise en flagrant délit de photo, avec nourrice et attirail. Le journal, qui voulut bien célébrer le printemps, cette éternelle, histoire, avait organisé le concours du plus beau bébé. Le village avait tranché ; j’étais choisie, puisque née la veille de cette féconde et salutaire saison, mais quelle saison ne l’est pas... Ma mère était déjà partie faire des courses, à Killarney, avec un nouveau jockey, fort en gueule et fier à bras, comme un Turc en miniature, qui savait, à ce qu’on m’a dit plus, tard, la monter gaillardement en levrette berrichonne, en brouette écossaise, à la Béru, à la Blériot et autres zoiseaux du genre... masculin pluriel. La nourrice, prénommée et nommée Clémentine Heurtebise de La Souche, c’était une ancienne noble déchue de haut lignage 222 000 Volts, Ampère et fils au capital de 70 000 Euros, remboursables au taux actuariel brut de pomme de 6,4 la minute, cette nourrice affable, me recueillit donc.
Elle eut le bon goût de m’attirer entre ses généreuses mamelles et de faire de moi la plus heureuse des mômes. On dit d’Homère qu’il était aveugle, dixit Homerum caecum fuisse, on dit beaucoup de choses, on en écrit tout autant en emporte les goélands, mais il vaut la peine de savoir, tout de même, que je m’instruisis beaucoup au cou de cette nourrice, non agréée par le gouvernement, non reconnue, par l’Université de Montbéliard, non admise au Capes de philanthropie, mais géniale, absolument formidable. Je dois à Clémentine, la douce féminine, la chair de mes yeux sombres, l’appétit pour la vie, la soif de connaissance et le goût des études. Elle m’apprit la danse du ventre vide, le tamouré en grains, la valse aux adieux, la prise de la Castille ; toutes matières confondues, je devins un fort en thème, quoique ayant de l’aversion pour icelui. Gloire et bénédiction, orgueil du con savant, autoglorification ; qu’il est facile de se livrer, de livrer en pâture ses souvenirs complètement inventés et vrais à la fois, la littérature et l’autofiction, vous le savez peut-être, mes chers consœurs, étant une modélisation secondaire du réel ; mais crève de plaisanterie, comme le disait Milan Kundera à Monsieur K..., l’histoire continue tambour major battant.

IV
... Sinon que dire de Clémentine, fourmigale adulée, princesse désarçonnante, qui n’eut de cesse de m’étonner, de me ravir, de me distraire, de me malaxer le patrimoine génétique, de me ronger l’os, jusqu’à la dernière goutte. Sa nourriture m’apporta, outre le couvert des mots, blottis en elle comme une tiède nostalgérie, la force de combattre les barbus de tout poil, les fanatiques du Livre, et tous les collabos de l’âge d’or. Nourri ainsi de stupre et de vermisseaux, je subsistai jusqu’à la Pentecoûste 1976 de l’ère chrétienne, année qui vit mourir (vit de voir et non de vivre) mes compagnons de route : Malraux, Mao, Queneau ; trois gloires fantastiques, fantaisistes et élastiques à toute théorie qu’elle soit littéraire, poétique ou politique. Voilà comment j’écris l’H/histoire et pourquoi cette fille est restée muette.
Pendant ce temps, Clémentine nourrissait la volaille, gavait le cheptel, les oies de contrebande ; et gare à l’oiseau qui aurait voulu profiler son aile sous ses jupes graillonnantes ! Elle vous l’écrabouillait alors d’un coup de talon mal placé entre le méat et la fosse d’aisance d’icelui. Et seul un urinoir en détresse aurait pu encore reconnaître les siens.
1976 fut une année terrible. Terrible et magnifique, car je perdis mon sens du guilledou, mon innocence amène, atteint d’une nécrose pulmonaire qui allait bientôt m’envoyer à dame. Je respirais aussi de si altiers cirrus que le plein air et ses activités champêtres, m’apportaient le bien naître qui me construisait chaque jour un peu plus. Maintenant que je vis retranchée dans ma tour de cigares, je fais moins le Malin ; j’aspire à des nuages doux, à des envolées de points sur les I, à des combats de mots écharpés, à des foulards de soie sauvage. La baleine blanche a fait deux petits : nuage sur le dos, marée montante. Le soleil se couche à la croisée des fontaines.
Je respire un entourage de jardins, d’orages en fleurs ; une vive lumière éclaire les légumes. Bien aise dans ce parc aéroterrestre ! Tout est à la mesure de l’incommensurable ! Tant mieux ! Pas de fin ! J’entends un piano qui escalade des descentes impromptues. Ach ! Ce Bach ! Arsenal de ma douleur, et ce… Povitch ! Pourquoi toutes ces touches de laine impressionnistes, tricotées à l’encre du poignet ? Je me fonds dans une goutte de neige. Rien ne va plus de soie. Parole cadenassée, tour d’écrou, tour d’ivoire et tapis noué, comme ma gorge. Plus aucun motif, et pourtant !
Va donc te terrer et te taire, loin des cieux et autres hauts rhizomes.
A bientôt de te retrouver pour d’autres nouvelles, d’autres recherches.

Signé, Elise,
et souviens-toi de la lettre, disparue, et, de la disparition.
Adiou.

Le Trégor

Rêve métis


Ô Trégor bleu de lin drap séchant sur le pré
tu fais chanter tes sources et pleurer tes fontaines.
Le vent souffle et s’essouffle à enrouler les blés ;
autour de ton dra-peau la mer est capitaine.

Elle sème des bateaux ivres dans le jusant,
des graines de héros, marins ou paysans ;
et la terre rugueuse palpite comme un cœur
entraîné par le flot crépitant des danseurs.

Des chapelles s’égarent en chemin et fredonnent
le chant de nos ancêtres aux pieds foulant la boue ;
sur le granit austère la moisson s’abandonne
aux mains de ces seigneurs fiers de vivre debout.

Ô Trégor bleu de lin et rebelle à la brume
tisse ton avenir aux couleurs de l’écume
éclabousse nos nuits pour que l’aurore se lève
les chevaux de la mer sont sortis de nos rêves.

grappe

GRAPPE

Les grains bavardent clairs
au cœur de la nuit brune :
« Je mûrirai, dit l’un,
et désaltérerai le gosier d’un puissant,
la gorge d’un enfant,
le palais d’une reine.
- J’abreuverai, dit l’autre,
et je caresserai les papilles des hommes
quand je serai plus grand.
- Moi, dit encore un autre,
je ne mûrirai pas, je suis déjà mourant
car je vis dans la peur
de me voir englouti.
- Tu ne vivras jamais le plaisir du partage,
l’offrande de ton jus, la connaissance offerte,
la grume délivrée.
Dessèche-toi bien vite pour laisser de l’espace
aux autres grains pressés de devenir bouteille.
A cheval sur le vin ! Riez frères humains!

La divine boisson sera notre chanson,
et nous galoperons en joyeux échansons
pour verser dans vos verres
les crus de l’univers.

agnation

Agnation
( histoire de famille)

Le sloughi, dès potron-jaquet, smart et fiérot parmi les tamaris, vaquait à ses occupations, arpentait le bosquet, pérégrinait de même, repartait de plus belle et dosait son effort, ziguant et zaguant stop au vent, narines frémissantes.
Il rumisonginait, pensait à la victoire qui, cet après-midi, au cynodrome de Bonebite, ne devrait pas lui échapper. Du moins, l'escomptait-il, ce canidé africain perdu dans des océans de lauriers, de coussins d'os et de caresses généreuses. Il gagnerait, foi d'animal, la course, l'intérêt et l'attention du public.
A cause d'une envie, il fouinassait du museau parmi la salsepareille smaragdine, et, levant la patte postérieure gauche (la meilleure), il abusa de son droit de chienchienàsamémère pour contrepisser les verts smilax. Un coup de sifflet striduleux et ultra le rappela à l'ordre et au bercail. Dans un tourbillon de poils humides, il courut s'écheveler aux pieds de Sa Très Vieille Majesté Howard Stalinvaros qui lui caressa le poil dans le sens des aiguilles. Une fois la queue du chien remise à l'heure, STVM programma l'animal pour le plan Bonebite, car c'était un sloughi moderne, licencié en Basic et Cobol, dont la mère, ahurie et affolée, s'était vue monter en levrette par son mari, qui était... agnagnat... agnagnat... qui était un format 'ti ' chien.

nouvelle romantique

L’intelligence du vent

Madame la marquise effleure le monde de son éventail multicolore. C’est un objet qu’elle a rapporté des Antilles, à la fois précieux par l’utilité qu’elle en peut en tirer, et superficiel par sa banalité. Quoique de bois rare et de vélin huilé, parcouru de fines ciselures nacrées et rehaussé de paillettes d’or, quand la marquise déploie d’un geste saccadé son éventail, l’objet semble ennuyé, mal à l’aise dans ce monde d’oisiveté et de latences contenues.
Elle le caresse alors du bout de ses mignonnes phalangettes et l’éventail soupire, repliant ses ailes cousues de fils de soie de Chine. L’objet se met à rêver, faisant l’inventaire de ses avatars, entre deux souffles d’air, entre deux battements amoureux et transis…
Il était une fois, perdu au milieu des montagnes, un merveilleux nuage, né de parents inconnus, comme sont les nuages, auto-engendré par d’humides chagrins célestes. Sa forme - indescriptible - quoique tangible ?, lui donnait tour à tour la forme d’une tourterelle, d’un nez de chien et autres animaux en liberté non surveillée.
Il était changeant, dans un décor turbulent, mais, assuré d’une vie éternelle - du moins le croyait-il. Nourri d’azur et d’oxygène, il observait, de sa vue plongeante, le lent mouvement de la nature qui s’ébrouait radieusement au soleil, ou secouait sa crinière luisante de pluies éparses et d’ouragans fantastiques. Quand le tonnerre faisait résonner les vertèbres de la montagne couleur d’acier, le petit nuage, déguisé en courant d’air, soupirait avec envie au milieu du firmament. Lui aussi aurait voulu parcourir le monde à la recherche d’une amie, quelle que puisse être la forme de celle-ci, son allure. Il la voulait cependant assez mûre pour ne pas l’importuner par de niaises paroles du genre : « Rentrons vite à l’abri, il va encore pleuvoir ! » Ou bien : « Cesse de courir dehors par tous les temps, je n’arrive pas à te suivre ! »
Ce nuage rêvait d’utopies. Or, un jour, alors que le ciel dans sa splendeur nimbée d’étoiles agonisantes, ouvrait doucement la cicatrice de l’aube, il crut entrevoir, perchée sur un fil ténu - un improbable rayon de soleil levant - celle qu’il attendait depuis sa naissance : c’était une hirondelle, ou du moins, cette sorte d’oiseau venu d’Afrique et égaré dans les strates éthérés de cette aube montagneuse.
« Bonjour, lui dit le nuage. Je t’attendais. »
L’oiseau, à moins que ce ne fut un papillon marron et plutôt gros, ne comprenait pas qui pouvait lui parler à travers l’éternité de cet azur quasi figé. L’animal ailé eut beau tendre l’oreille, il ne distinguait rien, rien que les blanches nuées teintées de bleu. Lui parvinrent tout de même des bribes ressemblant à : « …jour, …dais » ce qui risquait de compliquer l’ébauche d’une improbable histoire d’amour. La forme animale essaya de répondre : « Je m’appelle Azria, fille de Jelfen et j’arrive d’Afrique du Nord. J’ai franchi des montagnes, des villages où chante le raisin, des plages aux vagues muettes, et survolé des têtes d’enfants rieurs, de vieillards tristes et de parents hébétés. J’ai vu l’Histoire se mordre les paumes, le Temps se déplumer comme un vieux coq aveugle. J’ai entendu le vent du Nord heurter la bouche des humains, poursuivre comme un tyran les berger kabyles, les bûcherons des Aurès et les petites filles décharnées, renversées au bord des fontaines. J’ai senti l’odeur de la menthe et des oliviers aux frissons d’argent. Mais toi, qui m’a sans doute parlé, je ne te distingue pas. Tu es peut-être un savant égaré, une conscience paisible dans ta montagne isolée. Mais as-tu voyagé, as-tu respiré l’odeur de la poudre et entendu couler le sang opaque des blessures ? »
Un silence alors se fit. Le petit nuage qui avait sans doute existé le temps d’un laps, pour construire un décor, ou pour en faire partie, avait disparu dans l’aube triste, chassé - il paraît - par un vent contraire.
Alors Azria n’entendant pas de réponse, reprit son vol en direction du grand Nord, là où les hirondelles ne meurent qu’après avoir prononcé le v?u de ne plus rencontrer les nuages.
Madame la marquise a refermé son éventail, car un vilain frisson issu de sa rêverie l’invite dans un souffle à regagner sa chambre. L’éventail est rangé dans son étui d’ébène. Le ciel se charge de noirceur.
« Il va encore pleuvoir » dit la marquise à son cher éventail, désormais à l’abri au fond de la commode.

la leçon de peinture

La leçon de peinture

Immobile et figé, telle une image sainte
le paysage est là, posé comme une empreinte.
Pas un bruit, pas un pas ne trouble cet instant.
Le peintre à sa palette choisit des touches d’or
pour signifier le ciel, l’en-haut, le firmament ;
il prend un peu d’argent pour le rendre aux étoiles
puis du blanc pour la nuit
car la nuit est laiteuse
l’air moite et Bételgeuse
fixe d’un œil moqueur cet homoncule artiste,
ce faiseur, ce copieur de nature encadrée
qu’il ira vendre un jour aux amateurs glacés.
Sur un simple tableau, une petite toile
un morceau de pays, géométristemort
ira fleurir musées, salon, faire décor.
Le peintre achève alors son obscure besogne,
assis, debout, râlant, il pille sans vergogne…
Et la nature s’endort, souillée sous son étreinte ;
demain, au petit jour, elle ira porter plainte.

poème "inanité sonore"

Inanité sonore

Pétri de subjonctifs et nourri de litotes
tu grandis — flamme austère — brûlant toutes tes notes.
L’écriture ? Futile ! Et vain le mouvement
de la main qui transcrit tous ces atermoiements,
ces remugles sonores trempés d’encres secrètes,
ces flots calligraphiés ballotés sur les crêtes
comme des poissons morts.

Le chant noyé des mots
s’est enfin ravalé
aux gorges des sirènes ;
écrivain enchaîné à ton mât de misaine
tu pleures matelot
sur ta déconfitaine...

poème

Ampère aimait Volta
Faraday la vodka
ces trois mousquetaires-là
détestaient la polka.
Ils se battaient en duel
utilisaient la ruse
pour courir la donzelle
habitant Syracuse.
Ils rencontrèrent Odette
petite enfant de troupe
nourrie à la baguette
sa mère avait des croûtes.
Ils découvrirent Aline
petite Polonaise
nourrie à la farine
elle était un peu niaise.
Ils fréquentèrent Oscar
étroit de l’appendice
fils du chauffeur de car
et de l’institutrice.
Odette, Aline, Oscar
furent séduits sur le champ
accouchèrent plus tard
de vigoureux enfants.
Ainsi s’écrit l’Histoire
ce n’est pas autrement
avoir de la mémoire
ça sert évidemment.
Les parents morts en couches
les enfants au couvent
furent mis sur la touche
par ces trois grands savants.
On les mit chez les Carmes
pour en faire des élites
et puis la prose aidant
devinrent prosélytes.
Connurent Alexandre
Le Grand et Bucéphale
Dumas père et son gendre
qui vivait à cheval.
Ainsi l’histoire se crée
dans l’ordre de nos pères
et l’électricité
éclaire nos mystères.
Ampère aimait Volta
Faraday la vodka.
Ces gens furent électriques
les faits sont… historiques.

poème "célérité"

Célérité


Le temps d’écrire un doux message
à l’Infini,
l’oiseau que j’avais mis en cage
est reparti.

Soliloques du désespoir
il s’est enfui ;
course folle à broyer du noir
le soleil luit.

La parole a quitté le livre
au crépuscule ;
la page est blanche de sons ivres
qui basculent.

nouvelle contre la haine

Jean-Marie Lahaine
Yann Venner



Quand il était petit, ses maîtres à l’école lui disaient :
- Jean-Marie, redresse - toi ! Relève un peu la tête ! Décolle les yeux de ton cahier ! Redresse-toi à la fin !
Aujourd’hui, Jean-Marie se tient droit. Pas du tout comme moi qui suis tout de travers, tordu, bossu, ventru, mauvais citoyen. Incorrectement mal...a...droite.
Jean-Marie Lahaine a eu de bons maîtres. De bons chiens de garde qui lui ont appris l’ordre et le respect de soi. Il se tient droit. Extrêmement droit ! C’en est même impressionnant. Jean-Marie est un modèle pour la France, et pour tous les petits Français qui devraient se plier, sans restriction aucune, sans coup d’état d’âme, devant cet homme qui force le respect. Son attitude est extrêmement droite, d’une rigueur insoupçonnable. Tous devraient se replier devant ce héros hors du commun des immortels. Oui, Jean-Marie se tient tout à fait droit, principallemand droit, comme un I de souche française,
- et surtout pas comme un I grec, ce sale métèque paralytique, cet Y enculé de sa race ! Cet étranger diabolique et sidaïque qui n’a rien à faire dans notre alphalaid, n’est-cepaaaa ! Ce bâtard de sa racetaquouère! Dehors ! Le Y ! Dehors le bougnoul et le Z aussi d’ailleurs, ce drôle de zèbre avec son délit de sale gueule de bagnard ! Oui ! Dehors, cette zorrible consonne qui comme Zavatta, se moque des autres lettres en leur faisant un pied de neZ ! TueZ les tous ! Les Zintellectuels, les Zuns et les Zautres, les Lelouch, les louches, les borgnes ! (Non pas les borgnes ! ) , les zaveugles, les zaricoverts, les Zenculés, les Mariés de mes deux, les Zinvestisseurs institutionnels, les Zinzins, les zoulous, ces non-violents des banlieues, passionnés de rap ! À la trappe ! Au couvent, au carmel! Plus de mystère! Merde encore un Y ! PludeBountY ! Plus de Yoyos !
Plus d’hYpocrites ! Ni de polYsémie ! A bas la Zambie ! Vive la Maréchalie ! Quant aux zakouskis, à la Zup! Plus de Zep, plus d’éducation prionritaire ! Prions ! Comme les vaches folles qui croient encore en Dieu, elles, au moins. Communions solennellement mais sans Zèle et sans Zidane, cet esclave à la solde du Maghreb dégénéré, comme le zéro. D’ailleurs, supprimons tous les zéros, les zinutiles, les Zigotos zigzagant entre la gauche et la droite, tirant à Hue et à Hérédia de tous leurs zygomatiques, n’est-ce pas...!
Châtrons Zola, ce Rital parjure qui incendia la France de ses bourgeons macabres et qui défendit le complot juif, à coups de Zooms médiatiques, ce sale Zorobabel qui abîma notre belle langue française, cette si noble et pure lingua franca, cette langue des comptoirs qui dit Merde et pas Zut; cette langue débarrassée de ses immondices zoomorphes ! Oui, la France est droite, résolument adroite; elle se faufile dans les isoloirs, s’insinue dans nos lits de peur et dans nos sillons ensanglantés par le massacre des Saints Innocents, de St Raphaël à Cinzanno, de la règle du Père Benoît à la passion du Dom Josué, de St Tropez au trop de pèZe, du velours de l’estomac à la Grappe Fleurie de fleurs de lys ! Oui, Jeanne D’Arc a sauvé la France ! Oui la Pucelle est en moi! Oui, Oui! défoncez-moi! oui, moi, lecteurs de Oui-Oui, prenez moi toute, oui ! faites moi hurler de feu de joie, de feu de croix de feu de Dieu! Bordel à cul et vive la France, mère éternelle et souveraine!
Toi la France des tranchées, tu as tranché, en donnant vingt pour cent, de ton sang, de tes voix impénétrables, à Jean-Marie, ce trépané de la cafetière. France ! Tu es rance ! France, tu es entré en déshérence! France des errances, tu désespères de tes enfants parjures.
Je te honnis, vieille patrie, vieille poufiasse pourrissante, vieille radasse des fonds abyssaux et baptismaux, des bas fonds de culotte petit bateau bleu, blanc, bleu. Rouge est la honte et la révolte, rouge est mon vote et ma raison, rouge est la vie! Je veux la paix pour tous mes frères et que je t’y reprenne, vieille pétasse à offrir ton cul aux fachos, à te faire ramoner le fion par des ordures qui n’ont, qu’au fond, que la haine à offrir aux autres, que la mort pour orner leur front. Leur front national, hideux et morbide, leurs idées létales et leurs chants de morts.
Un cauchemar est passé ; laissera-t-il des traces ?
Ceci est une autre Zistoire...

george Semprun, ami de LOUIS GUILLOUX

En l'an 2009, un enfant qui rentre de l'école raconte à sa mère qu'on lui a montré un truc extraordinaire : il permet, sans électircité, sans écran, sans clavier ni code d'accès,de retrouver facilement un renseignement, une définition, ou même de lire un texte entier !
C'est facile à consulter, c'est maniable, ça peut circuler de main en main, bref, c'est un...
LIVRE.
George SEMPRUN

mon dernier roman

Le Produit Régional Breton EST DEVENU UN LABEL ! AVEC UN PHARE BLEU ! ("produit en Bretagne") un produit de consommation courante !
Comme le Polar Régional Breton ! Comme le PRB : acronyme choisi par des économistes pour désigner un bateau de course !
Un livre, à mon avis, n’est pas un produit de consommation, au même titre que nos matérielles nourritures terrestres.
Un livre est autre chose qu’un produit, mais je suis un doux rêveur.

Drôle d'image de la Bretagne ; elle n'est pas à vendre et n'a pas à être labellidée...labellisée… La Bretagne est autre chose que la surface lisse d’une carte postale, comme toute autre région, autre pays…d’ailleurs.
Ras le bol de ces étiquettes.

Ce roman « LUMIERE POUR LES OUBLIES » n’est certes pas explicite. Un titre qualifié de poétique dirons-nous. Le sous-titre « Sombre enquête en Bretagne » permet cependant de situer géographiquement l’action, afin que l’horizon d’attente du lecteur soit quelque peu créé, avant de découvrir la quatrième de couverture, comme toute personne dans une librairie - à la recherche d’indices – le fait.
Bref, ce roman n’est pas un roman carte postale.

1) Il suffit de regarder l'image de couverture : un bronze artistique qui ne fait en rien penser à la Bretagne mais plutôt à un monde "étrange", "étranger", cette "inquiétante étrangeté" disait Freud.
Nous sommes tous étrangers à nous-mêmes. Peut-être un couple, venu d’Afrique, deux êtres portant la lumière…, des migrants, des apatrides, des personnes, ou personnages en quête… ?

2) Ce roman se fait l'interprète d'un drame universel où l'homme ne cesse de s'interroger sur le sens de sa révolte.
Rattaché à la collectivité, rivé à son exigence d'autonomie, l'individu doit assumer de gré ou de force les contraintes de la vie sociale, s'exerceraient-elles contre sa liberté. L'écrivain est donc aux prises avec une double exigence : défendre son indépendance personnelle et assurer son être social, autrement dit conserver sa différence dans la conformité à la Loi. L'écrivain articule ainsi la voix de la résistance humaine s'élevant contre l'oppression et les pratiques meurtrières ou aliénantes au service des idéologies et des pouvoirs. Le récit n'y est pas réduit à la description du réel ou à l'engagement du héros en faveur d'une thèse ; il naît de cette aporie où les conflits sont inévitables et insolubles à la fois.
Le romancier s'identifie au drame commun. Rien de typiquement breton dans tout ça.

Bref, une lecture personnelle, mais à chacun de se mouvoir dans ce roman, cette goutte d'eau dans un océan de mots, dont il faut toujours se méfier...
Vive le roman, et vive la Bretagne.

Yann Venner, avril 2009

couverture de mon roman

 
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vendredi 24 avril 2009

conte : le pouce...

LE POUCE QUI GLOUSSE


Il était une fois, une main dont le pouce malicieux n’arrêtait jamais de se moquer de ses petits camarades, les autres doigts.
Pouce était le meilleur : Pouce se croyait le plus malin ; Pouce était le Roi de la main. Il se trouvait le plus beau, le plus fort, le plus intelligent. Il gloussait d’aise, il gloussait de contentement. Mais, tout a une fin en ce monde, et voici ce qui lui arriva ; après cette triste aventure, jamais plus il ne gloussa !

Un jour, en effet, les autres doigts, vexés d’être toujours moqués, se réunirent au creux de la main ; bien repliés les uns contre les autres, en réunion secrète, laissant le pouce à distance ; le pouce qui les narguait du haut de sa splendeur. Voici ce qu’ils décidèrent tous les quatre : “Nous, doigts de la main droite, jurons de respecter notre entente mutuelle et de travailler ensemble, main dans la main ! Nous nous jurons fidélité jusqu’à la mort et que ce serment-serrement soit éternel !”
Après ce grave conciliabule, nos quatre compères se séparèrent et la main retrouva son calme habituel.
De temps à autre, le pouce essayait bien de se frotter aux autres doigts, mais il était systémathématiquement rejeté, repoussé par ses quatre faux-frères. Plus personne ne lui parlait ; il était en quarantaine, comme un animal malade.
Pouce se rongeait l’ongle, Pouce dépérissait. Pouce était la victime de cette guerre du silence. La main, elle, continuait son travail de main ; elle rencontrait parfois une autre main qui la serrait dans la sienne. Elle saisissait diverses choses : un silex, un morceau de bois, un fruit de la forêt, un os de dinosaure... Plus la main était évoluée et plus notre Pouce se sentait seul, désolé. Il était dans l’opposition désormais, et, dans chaque situation, il se trouvait, en effet, opposé à ce groupe de quatre. De rage, il les aurait bien étranglés, mais, il n’avait pas la majorité. Seul contre quatre, c’est difficile, même si l’on se croit très intelligent.

Il aurait bien crié : “Pouce ! on fait la paix !” mais son orgueil d’un autre âge ne le poussait guère à l’armistice. Alors, dans un dernier sursaut de haine, il se tourna vers le bas. Et désormais la mort fut son amie ; dans les jeux de cirque, on applaudissait quand Pouce se tournait vers le bas. C’était terrhorrible !

Il dut attendre des siècles pour retrouver le sourire et qu’un homme indulgent le prenne par la main, pour lui apprendre à vivre avec les autres doigts.
Ainsi, peu à peu, il se mit à faire de l’auto-stop et quand une voiture le prenait, il se tournait vers le haut en signe de victoire. C’était désormais un pouce heureux et il ne se frappait plus la poitrine en disant : “C’est moi !” Il faisait partie de la main, non plus comme numéro un, ni comme numéro cinq d’ailleurs, mais tout simplement, à sa place, la sienne.
Le pouce ne gloussait plus ; il ne se rongeait plus les sangs, et “main-tenant”, on était content de lui quand on serrait cette nouvelle main.

conte

QUATRE CONTES PERDUS

DU

TREGOR RETROUVE




Ou




Les Métamorphoses




YANN VENNER


Table des matières

- Un drame au village


- Sens interdit


- Un habitant hors du commun


- Sculpteur de mots







Avertissement

Toutes ces histoires, qui ont pour cadre une certaine vérité littéraire, peignent des tableaux de pure invention. Mais heureusement, elles disent toutes leur vérité. Celle d’une métamorphose, où les sujets sont sujets au changement dans une ambigüité étudiée et sincère. Si le frisson vous envahit, si le rire vous fait trembler, si les pages s’affolent à mesure que vous les tournez, gardez - vous de revenir en arrière ! La lecture reste une aventure, droit devant, par de tortueux chemins. Ne vous égarez pas dans tous les sens ! Sinon ... malheur sur vous ! On vous aura prévenu !























A Louis Guilloux, Armand Robin,
ces deux écrivains héroïques
qui auront pétri de leurs mains
la chair et l’âme d’Armorique.

Le pain des rêves, Ma vie sans moi,
ils vivent à deux sous mon toit.
Je rêve leurs deux écritures
chevauchant la même monture.
Libertaires de cette Terre,
ouverte à tous les finistères,
française, gallèse ou bretonne,
l’Outrelangue est leur aventure,
l’Outrelangue est ce qui m’étonne.

Outrelangue mot d’ouverture ...




















Un drame au village

A toi F.K, décédé en 1924, écrivain qui sut bondir hors du rang des assassins. Que tu sois ici reconnu, en terre bretonne, comme un frère d’encre.

Vers les années mille neuf cent vingt-quatre, sur la commune de Trégrom, là où l’on entend dire quelquefois que le diable y habite - mais la rime est meilleure en breton - vivait un très brave homme du nom de Séraphin Meudec.
Plutôt bon vivant que mauvais coucheur, Séraphin - dit Le Rouquin - était du genre costaud. Dur au mal et toujours chaussé de ses formidables sabots, il arpentait la commune, du matin à la méridienne, s’ébrouant sous sa longue crinière frisée quand il pleuvait et hennissant comme un postier breton. L’individu était facteur. Dans les cent vingt kilos. Catégorie poids lourd.
Mais, léger dans sa course, alerte dans son pas, l’étalon du bourg et coureur du faubourg, sillonnait gaillardement les chemins de traverse, livrant ici un pli, là une lettre, un journal. Avalant là un verre de cidre, ici un calva, chez l’un un café noir, chez l’autre, savourant un morceau de josken, il allait donc au trot de ses vaillants sabots.
Rien ne semblait ébranler cette force naturelle, ni la peur, ni la maladie.
Séraphin rendait visite et service aux malades, aux alités, imposant sa large carrure sur le pas de la porte. Les grabataires et impotents du village l’attendaient avec impatience car Séraphin possédait l’herbe d’or. Il tenait ce don de son père qui lui-même, l’avait reçu de son ...


Ce jour - là, l’Hyppolite était cloué au lit. Fièvre de cheval, les quatre fers en l’air. Le pauvre retraité n’essayait même plus de ruer dans son lit - clos, lui,si ombrageux d’habitude.
- Toi mon bonhomme, dit Séraphin en entrant, tu ne liras pas ton journal aujourd’hui. Tu n’es guère en état ! Pour te consoler, sache que tu es le troisième que je vois aujourd’hui, à me jouer ce vilain tour. A croire que vous vous êtes donné le mot !
Certain de son diagnostic, Séraphin sortit alors de la sacoche de l’administration, un sac en papier brun au contenu étrange. Des herbes sèches, mêlées à d’autres salades, comme aimait à se moquer le docteur Le Du, un concurrent jaloux. Le facteur versa alors une pincée de cette herbe d’or dans un grand verre d’eau tirée du puits, et, la tisane ayant infusé, après avoir chauffé sur le fourneau, il fit boire à son patient l’amer breuvage. Une décharge soudaine électrifia le corps du malade, qui tremblant ensuite de la tête aux pieds, se mit à suer et à cracher à l’envi.
S’adressant alors à la maîtresse de maison, Séraphin dit.
- Une heure après que j’aurai quitté cette maison, quand la grande aiguille aura fait son petit tour, tords ses draps sur le pré, lave - les ce soir dans Le Léguer, juste avant la nuit, et laisse ainsi aux poissons du diable la part maudite. Ainsi soit fait ! buvons un coup !

Le lendemain, la fièvre était partie rejoindre l’océan. Voilà nos trois gaillards debout.
Séraphin guérissait d’autres maux, comme la culotte de cheval, le mal de dos, le croup, la neurasthénie et l’aérophagie. Le don de père en fils, reçu par Séraphin passait comme une lettre à la poste.
Mais Séraphin aux gros pouces, ce qui lui donnait par complémentarité, un nez assez énorme mais bien placé au milieu de la figure, avait un fils, Michel, plus paresseux qu’un pou, maigre comme une puce. Un air teigneux et malsain de cafard pris en faute, complétait le portrait entomologique de ce triste petit insecte.
Veuf et inconsolé, le facteur gardait bon moral malgré cette écharde douloureuse, héritée du hasard.
- Il va changer, se disait-il, il va bien grandir un jour, ouvrir ses ailes et devenir aussi beau qu’un paon du jour.
Mais Michel allait sur ses dix-huit ans et son aspect malingre ne s’améliorait guère. La maman était morte en couches, un matin que Séraphin arpentait, de ses formidables sabots, la commune et ses alentours. De toute façon, ses dons de guérisseur auraient été incapables de ramener sa femme dans le monde des vivants.
Le petit Michel était-il donc le fruit véreux du péché ?
Cette absurde question taraudait Séraphin. Quoique athée et libertaire, il aurait bien voulu connaître le pourquoi mystique ou christique de cette énigme.
Un matin, le corps de Michel se rétracta un peu plus. Quand Séraphin Meudec entra dans la chambre du fils, il vit sur le sol un corps racorni, à la voix éraillée, qui articula faiblement.
- Je m’appelle Grégoire, je m’appelle Grégoire ; et toi, qui es-tu, étranger ?
Si le diable habitait Trégrom, il était sûrement dans cette maison, sous l’aspect de cette chose racornie mais vivante. Michel, ou plutôt Grégoire ne quitta pas la chambre. Son père, condamné au silence, ferma la porte à clé, lui laissant pour tout remède un verre empli de tisane d’herbe d’or.
Quand Séraphin revint de sa tournée, en début d’après-midi, la chose était toujours là rampante et balbutiante. Le verre de tisane, intact.
- Je m’appelle Grégoire et j’ai tué St Michel. Je m’appelle Grégoire et j’annonce la guerre, la guerre un fouet sifflant qui hurle ses injures, la guerre, un fouet sifflant qui hurle ses injures.
De plus en plus mal à l’aise, ne sachant quelle attitude adopter, le père s’adressa à son fils.
- Que puis-je faire pour toi ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir, fils ?
- Toi, tu m’appelles fils! Tu oses m’appeler fils! Sache que tu es un étranger et que ma mère a couché avec le diable, le grand saumon de la rivière maudite! Fils du diable je suis! J’annonce la colère, la revanche du monde, et que s’abattent les grands vents jaunis de pisse froide, que les fleuves débordent, vomissent leurs poissons, que les brumes acides recouvrent les forêts, que les bêtes tapies à l’orée des clairières portent la rage au coeur des hommes! Honte sur toi, petit sorcier minable, qui a voulu défier la loi de mon grand maître!Honte et misère sur toi, humaniste vulgaire!

Grégoire bondit, d’un saut énorme, sur la cuisse du guérisseur et le mordit de toute sa violence. Séraphin n’eut que le temps d’arracher l’horrible bête qui laissa, fichés dans la chair de sa cuisse, deux aiguillons de corne noire.
La bête, projetée sur le dos, avait encore diminué de moitié. Ses borborygmes incompréhensibles, s’arrêtèrent net quand le facteur broya, de ses formidables sabots, la chose répugnante.
Séraphin ne sentait plus sa jambe. Un poison inoculait sa chair. Il boita jusqu’à la cuisine, prit un couteau et, pantalon baissé, creusa la blessure. Deux plaies noirâtres le brûlaient comme du feu. Il replongea son Laguiole à la recherche des aiguillons. Trop tard! Ils avaient fondu dans la chair. Séraphin versa sur le désastre la bouteille de lambig, dont la fonction première était loin de servir à cet usage. Il hurla. Ses nerfs le lâchaient.
Comment raconter ce qui venait de se passer à quelqu’un ? Qui le croirait ? Et son fils ? Comment annoncer cette métamorphose et sa disparition ? Il allait devenir, lui, Séraphin le guérisseur, un assassin, un meurtrier. Comment ? Comment ?
La cuisse enveloppée d’un torchon à vaisselle noué solidement, il s’écroula sur son lit. Tout son gros corps s’engourdissait. Une fièvre tenace l’envoya dans un autre monde.
Il se mit à pleuvoir avec violence. Trois semaines sans interruption. Des brumes tenaces recouvraient toute la contrée. Quelques fermes furent inondées, dont la maison de Séraphin, nichée dans un petit vallon. Les eaux du Léguer débordèrent sans discontinuer.
Un pêcheur, dit Le Braco, retrouva un corps humain, coincé dans le bief du moulin, en contrebas de la maison du facteur guérisseur. De la bouche du noyé, on retira une sorte d’énorme insecte qui dépassait des lèvres du cadavre, bleuies par le poison. Comme si un énorme saumon avait voulu gober, dans un élan ultime, une proie si tentante.
On fit des recherches plus poussées. Le corps du petit Michel ne fut jamais retrouvé.
ALGER, mon beau navire.

Face aux grandes philosophies, il semble que l’on puisse mettre en avant toutes les déclinaisons de la douleur. Ce mot, grave, donc très lourd à assumer, inscrit au coeur de l’humain une blessure inacceptable. Et pourtant, “il faut vivre“, obéir à cette impitoyable ordonnance injonctive, prônée comme un diktat depuis des milliers d’années. Il est vrai que ce n’est jamais la mort qui donne la vie, mais la mort ajoute à la vie et lui donne un supplément d’âme. Pourquoi ? Peut-être parce que les êtres vivants, outre le fait de perpétuer l’espèce, entretiennent une mémoire et une histoire, collectives et individuelles. Histoires et mémoires blessées, souvenirs lancinants, traumas insupportables et récits clivés, quand ils adviennent.
La douleur nous met tous à égalité. Qu’elle soit ressentie physiquement ou moralement, qu’elle nous poursuive et nous accule au suicide, elle permet à l’homme de mesurer le temps. Ce temps sensible est plus ou moins long, plus ou moins difficile à accepter ou à comprendre, selon nos propres forces et nos singulières faiblesses.
Nous avons donc la douleur en partage. Et alors ? N’aurions-nous que de l’empathie ? L’écrivain Louis Guilloux dit un jour à son ami Albert Camus : “ La seule clef, c’est la douleur. C’est par elle que le plus affreux des criminels garde un rapport avec l’humain.”
L’écrivain se charge alors de dénoncer, de raconter la misère de tous les jours, la pauvreté, qui empêchent même de garder une petite place pour l’amour - devenu alors presque un luxe - pour mieux éclairer la douleur du monde.
En cela, Louis Guilloux est un romancier qui sait que la misère peut ôter toutes forces aux passions et détruire le plus courageux des hommes.
Dire que ce lot commun, ce fardeau de fatalité, nous est à tous attribué serait faux. C’est pourquoi il est bon de se débarrasser de cette chape de plomb qui peut alourdir une littérature misérabiliste, où le personnage n’est qu’instrumentalisé par la douleur.
Parler de la douleur ne fait pas forcément de la bonne littérature.

Les écrivains maghrébins, entre autres, ont saisi cette dimension de l’écriture romanesque en détournant l’objet douleur de son sens premier. Soit en le contournant, soit en retravaillant la langue française, soit en inoculant dans leur oeuvre des structures narratives nouvelles, en dynamitant la narration classique, en rompant avec le récit canonique européen. La narration se retrouve éclatée, spiralée, interrompue, bouleversée, chaotique ou fragmentée, pour mieux frapper le lecteur, le rendre inquiet et désorienté au point de le déstabiliser, de le mettre dans une position de doute permanent et d’inconfort.
Cette aventure d’une écriture est bien plus audacieuse et porteuse de sens qu’une écriture d’une aventure, où le lecteur est guidé sagement vers une fin attendue et logique. L’éclatement du récit, la violence du texte, la polyphonie contestatrice installée dans la grande et la petite histoire, amènent le lecteur à réfléchir aussi à la douleur de l’écrivain et de ses personnages. Le partage des émotions, de la souffrance, est à ce prix.

Lire, c’est payer un tribut à la douleur. C’est participer, le temps de la lecture à un arrachement, à une confrontation où le lecteur devient acteur du récit qu’il entreprend, non pas à son rythme, mais à celui imposé par l’écrivain. Voilà le sens d’un combat, voilà le sens d’une écriture violente et combattante.
La ville, les capitales du Maghreb, sont souvent les porte-parole, les métaphores de cette douleur. Les habitants y sont prisonniers, détruits, blessés dans leur amour propre et dans leur chair. La ville souffre, sa misère exsude, la terreur règne, l’eau manque, l’air y est irrespirable. A chaque coin de rue, s’étalent la souffrance, la peur de vivre et l’angoisse du lendemain. Après avoir été colonisée, débaptisée, éventrée, saccagée, la ville est livrée à ses tortionnaires, civils et militaires. Guerre civile, contre soi-même, ouverte ou larvée, la guerre des nerfs fait souffrir tous les habitants. Chacun est prisonnier avec ou sans combat.
Et que dire des grandes douleurs qui resteraient muettes ? Même si l’écriture semble un combat perdu d’avance, il n’en reste pas moins vrai qu’écrire sur la douleur, la faire parler ou la mettre en scène et en mots, relève d’un art singulièrement difficile : soit l’on tombe dans un hyperréalisme grandiloquent, soit l’on utilise le langage de façons particulières. Une scène de souffrance, par exemple, ne sera pas directement décrite, mais simplement suggérée par une confrontation entre deux éléments, l’air luttant contre l’eau, une tempête en mer semblant mieux dire dans sa description la lutte inégale d’un bateau contre ces deux éléments. L’artifice paraît vain, vide de sens, mais si le navire en réchappe, l’écriture elle, aura aussi gagné une bataille : dire le monde autrement, dans un doute fécond et chargé de suspens.
La lecture s’en trouve enrichie, renforcée par le frisson et le plaisir, par une aspiration vers l’avant et l’aventure ( adventurus en latin, ce qui doit arriver ) , lecture inquiète qui se situe au-delà de la simple métaphore, elle-même portant le sens au-delà, par définition.
Comparer la ville Alger à un navire en perdition au pays des îles, ( Al Djazaïr, en arabe, ) montre à quel point le pays prend l’eau de toutes parts, flotte à la dérive sur des vagues de sang, démâte et perd son cap et sa tête, coule et sombre dans l’horreur des massacres. Actes de piraterie, de barbarie, quand chaque occupant du navire lutte pour une survie absurde et dérisoire, dans une capitale de la douleur où la douleur est capitale.
Il est des critiques qui accusent certains écrivains de rajouter au malheur et d’en faire une denrée littéraire et commerciale, comme si les écrivains maghrébins visés manquaient de sincérité. Que la douleur soit difficile à lire, à accepter, à partager, voilà bien le drame ! Certains préfèrent détourner leurs regards, se divertir, au sens pascalien du terme, avec une littérature insipide et sans surprise. L’effort de lecture est souvent contraignant. Il nous pousse à découvrir l’innommable, les non-dit, les tensions entre la phrase littéraire et les structures romanesques, un certain silence, ou une violence du texte qui font sens, un langage provocant et subtil qui ne dit pas la vérité attendue, mais une vérité subjective et polymorphe, contestatrice et empreinte de doute.
Attendre du roman une action pédagogique ou morale semble inutile.
Ecrire à partir d’un “déjà existant” pour produire “un nouvel existé”, suffit au travail des romanciers.
C’est la tâche et la quête temporelle de quelques auteurs algériens tels Malika Mokeddem, Assia Djebar, Tahar Djaout, (assassiné en 1993), Abdelkader Djemaï, Boualem Sansal, Mohamed Dib - récemment disparu - Rachid Boudjedra, Anouar Benmalek, Aïssa Khelladi, et tant d’autres qui souffrent, témoignent et vivent pour l’Algérie, cette terre d’écritures et de douleurs mêlées. La revue Algérie Littérature/Action publie aussi de nouveaux auteurs qui sont à la fois passeurs de mémoires et d’Histoires, témoins en quête de nouvelles formes d’écritures.

Le 27 juin 2003, Yann Venner.
Paru dans le revue Algérie/littérature Action numéro 69/70

poème

L'ange-îlôt...(ange de bois dans la chapelle de l'île de Bréhat)
par yann Venner Aujourd'hui à 16:10
Un angelot se mue en mage
blancheur étale sur une île.
Ses plumes de neige
nous mettent en selle
sur des coursiers d'écume.

Sonne alors le plein songe
toutes voiles dehors.

Tu es ma chance ouverte
mon encerclement,
Ô, île secrète, toi le vent de mon sang;
j'allumerai chez toi
les phares de la douceur
et nous reposerons dans la clarté
de tous les océans en fleurs.

Puis je jetterai cette ancre
qui nous rattache à nos douleurs ;
et toi, ma Boucle d'Or au parfum de thé
ma lumière droite et filante
ma toute claire,
je te porterai aux terrains durs de mon épaule.
A l'aube sonore des départs
j'aurais arraché la noirceur.
Toi et moi, sur une barque de lumière
nous naviguerons
dans la chevelure des étoiles.

critique

Le Produit Régional Breton EST DEVENU UN LABEL ! AVEC UN PHARE BLEU ! ("produit en Bretagne") un produit de consommation courante !
Comme le Polar Régional Breton ! Comme le PRB : acronyme choisi par des économistes pour désigner un bateau de course !
Un livre, à mon avis, n’est pas un produit de consommation, au même titre que nos matérielles nourritures terrestres.
Un livre est autre chose qu’un produit, mais je suis un doux rêveur.

Drôle d'image de la Bretagne ; elle n'est pas à vendre et n'a pas à être labellidée...labellisée
Ras le bol de ces étiquettes.

Ce roman « LUMIERE POUR LES OUBLIES » n'a rien à voir avec cela :

1) il suffit de regarder l'image de couverture : un bronze artistique qui ne fait en rien penser à la Bretagne mais plutôt à un monde "étrange", "étranger", cette "inquiétante étrangeté" disait Freud.
Nous sommes tous étrangers à nous-mêmes.

2) Ce roman se fait l'interprète d'un drame universel où l'homme ne cesse de s'interroger sur le sens de sa révolte.
Rattaché à la collectivité, rivé à son exigence d'autonomie, l'individu doit assumer de gré ou de force les contraintes de la vie sociale, s'exerceraient-elles contre sa liberté. L'écrivain est donc aux prises avec une double exigence : défendre son indépendance personnelle et assurer son être social, autrement dit conserver sa différence dans la conformité à la Loi. L'écrivain articule ainsi la voix de la résistance humaine s'élevant contre l'oppression et les pratiques meurtrières ou aliénantes au service des idéologies et des pouvoirs. Le récit n'y est pas réduit à la description du réel ou à l'engagement du héros en faveur d'une thèse ; il naît de cette aporie où les conflits sont inévitables et insolubles à la fois.
Le romancier s'identifie au drame commun. Rien de typiquement breton dans tout ça.
3) Lire les pages 67/68, 69 à 72 et 91/début 92 où Angèle Le Gonidec exprime sa pensée...
4) et des poèmes 5 ou 6 dans ce roman ce qui est rare dans "le polar breton"

Et pour le rire, 47-48 comme une étape du Tour de France
et 61 à 64

Bref, une lecture personnelle, mais à chacun de se mouvoir dans ce roman, cette goutte d'eau dans un océan de mots, dont il faut toujours se méfier...
Vive le roman « tout court » (et tout fout l’camp) et vive la Bretagne.
Yann Venner

Trois romans de y.VENNER

Trois livres de Yann Venner

Yann Venner
S'ils contiennent une part de noirceur, les romans de Yann Venner ne sont pas totalement sombre. Car ce qui l'anime, c'est avant tout l'amour des mots, du langage, et un humour entre sourire et caricature réussie. Mais il égratigne aussi ceux qui expriment leur haine de la différence, de la tolérance, de la démocratie, de l’Autre. Le militantisme citoyen de Yann Venner est modéré, pas neutre. Ses héros et lui refusent tout sectarisme, sans résignation. Ses livres publiés aux éditions L'Ecir sont diffusés par De Borée.

« Black Trélouzic » (Horizona & Co, 2005)
Cette “trilogie bretonne” rassemble trois romans courts, ayant pour décor le paisible village côtier de Trélouzic. Les héros en sont Fanch Bugalez, marin-pêcheur anar épris de justice, et son vieil ami Eugène, philosophe à sa manière. En 1990, 1996 et 2000, ils sont confrontés à des affaires criminelles.
Marcel. Patronne d’un bistrot local, Georgette est la première victime d’une série de meurtres. Les enquêteurs soupçonnent Fanch, qui était son amant. Lors du deuxième crime, l’assassin laisse un indice accablant : un seau de pommes de terres. Le marginal Ernest fait un coupable idéal...
Une étoile est morte. Le cadavre d’Halima, une jeune Algérienne, est découvert par Fanch dans le port de Trélouzic. Ami de la victime, Aziz contacte Fanch avant de disparaître. Peu après, des attentats sont revendiqués par l’Armée Révolutionnaire Celte, dirigée par un vieux marquis facho. Quant à la vie d’Halima, coupée de ses racines, elle mérite d’être racontée...
Le baiser de la mer. Le jour de la rentrée, le directeur de l’école disparaît soudainement. On pense à une noyade accidentelle lors d’une sortie en mer. C’est la version gendarmesque adoptée par le sous-préfet véreux. Il faudrait plutôt s’intéresser à un ancien élève de l’enseignant...

« Aller simple pour Trélouzic » (L’Ecir, 2006)
Gwendoline Le Morvan est une jeune chanteuse canadienne aux origines indiennes et bretonnes. Préparant une tournée en France, «la mésange de Saskatoon» séjourne dans le Trégor, d’où viennent ses aïeux. L’image de cette région a beaucoup inspiré son grand-père Ange, avec qui elle partage les mêmes goûts poétiques. Gwendoline s’installe à l’Hôtel du Goéland, où son lointain cousin Albert est cuisinier, et amant de la patronne. Ce vicelard n’inspire pas confiance à la jeune femme. Elle n’est pas plus à l’aise avec la sœur d’Albert, Edith. Après quelques avatars, Gwendoline rencontre bientôt Fanch Bugalez, ancien pêcheur qui organise des promenades en mer sur son bateau. Son meilleur ami reste Eugène, aussi philosophe que Fanch est anar...

« La disparue de Guingamp » (L’Ecir, 2007)
Tout irait bien dans dans la région de Trélouzic, si un malfaisant n’avait saboté la voiture de Fanch, et saccagé le jardin d'Eugène. Leur ami le commissaire Cesare Le Tellier est prêt à enquêter, quand il est chargé d’une affaire plus grave. Apprentie coiffeuse, Rébecca Stereden est la fille de l’adjudant de gendarmerie du secteur. Nourrie de romans sentimentaux, la jeune blonde sans cervelle se croit aimée d’un footballeur africain de Guingamp. Elle a fugué pour rejoindre son beau Victor. Mais tous deux sont agressé, et Rébecca est kidnappée. L’adjudant Félix Stereden reçoit le scalp de sa fille, avec la demande d’une forte rançon. Le policier enquête, recueillant peu d'indices. De son côté, le criminel a des passions obsédantes très particulières... Une fort agréable « comédie noire ».
© Claude Le Nocher
par Claude LE NOCHER publié dans : LIVRES communauté : Le monde du polar

article ouest-france

Cet instituteur de 55 ans enseigne pour sa dernière année à Binic. Il vient de dédicacer sa trilogie. En février, il sortira son quatrième ouvrage.


Yann Venner, né à Saint-Brieuc et professeur des écoles à Binic, est un défenseur des laissés pour compte et des cultures minoritaires. Mais c'est un avant tout un amoureux des mots. Les yeux clairs, le regard vif, lunettes vissées sur le nez, ce Briochin d'origine confie avec un petit sourire avoir un « besoin d'écrire ». Ce « goût des mots », comme il le souligne, lui a été transmis par son institutrice de maternelle, Germaine Kieffer. « Elle a aujourd'hui 94 ans et vit toujours à Saint-Brieuc. C'est elle qui m'a donné le goût des mots, le goût du pain, à trouver de la poésie même dans les choses les plus banales. »

« Les dialogues des gens de tous les jours »

Briochin d'origine, il embrasse la carrière d'enseignant dans le département, dont plusieurs années dans la région du Trégor qu'il affectionne. Passionné des langues ¯ « je parle un peu arabe » ¯ il a un doctorat en littérature maghrébine ; rencontre Driss Chraïbi, auteur marocain qui deviendra un ami. Après une trentaine d'années à écrire des poèmes, écriture qu'il qualifie d'« intimiste et rapide », Yann Venner veut passer à l'écriture d'un roman, construire un scénario.

Black Trézoulic, son premier roman noir, sort en 2005, « un roman à l'écriture multicolore comme il a été qualifié à sa sortie ». Fervent admirateur des dialogues d'Audiard, Yann Venner se régale à jouer avec les mots, aime les blagues de comptoir, « les dialogues des gens de tous les jours ».

Après ce premier livre à compte d'auteur, il écrit Aller simple pour Trézoulic et La disparue de Guingamp édités chez L'Ecir. On y retrouve le même village, né de l'imaginaire de l'écrivain, Trézoulic, qui pourrait être un bourg du Trégor ; les mêmes personnages : Fanch Bugale, un marin-pêcheur et son ami Eugène Cabioch.

Dans le dernier de la trilogie, La disparue de Guingamp, sorti en 2007, il écrit une intrigue qui se déroule dans le milieu du football. « Je pratique la dérision et l'auto-dérision. C'est vrai que j'aime beaucoup l'humour même si je suis très romantique et sentimental », commente l'auteur, sourire aux lèvres. C'est ainsi que dans ce dernier roman, l'humour est toujours très présent, il se moque gentiment du milieu du foot, de la gendarmerie.

Comme dans son premier livre, où d'ailleurs il écrit ce petit mot avant que le lecteur n'attaque l'histoire : « L'auteur demande pardon par avance à la police et à la gendarmerie pour les avoir si copieusement malmenées dans cette fiction qui n'a évidemment rien à voir avec la réalité. »

Un quatrième ouvrage devrait voir le jour en février. Les complaintes pour les oubliés est le titre que l'auteur lui a donné. Un roman plus délicat, plus engagé, puisqu'il traite du thème des sans-papiers.


Véronique CONSTANCE.



Pratique. yann-venner.blogspot.com/ou venneryann.over-blog.fr/

mercredi 22 avril 2009

 
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Le parfum de la lune, poèmes

La poésie n'est pas du vent, c'est le vent qui est poésie. YV.



« La poésie on le sait tous c’est l’ambre qui parfume
nos amertumes
En les couchant noir sur blanc
et en faire des baumes
en vers et en rimes
c’est le souffle qui guide les voiliers
des mots malgré les maux
vers le littoral de l’apaisement
La poésie est : Un cri de feu ou de flamme
Un souffle de brise ou de vent
Un message de peur ou de paix
Un sentiment d’amour ou de rejet
La poésie pour dire un volcan au cœur
Ou un ravin dans l’âme
Pour chanter la joie
Ou la mélancolie.

Un poème est une image de vie. »


Aziza Rahmouni






L'essence de la poésie est de mettre au défi notre condition.
La poésie nous apprend à rechercher au plus simple tout ce qui est transcendant et inépuisable.
Donc dans le rapport simple à soi-même.
La poésie n'est pas déploiement de mots dans un texte, ou agencement sans but, c’est une activité de l'esprit et de ce fait même toute une histoire, une civilisation et une philosophie.
Ecrire la poésie, c'est vouloir se défaire de l'autorité des systèmes de représentation.
C’est donc se délivrer des interprétations que ces systèmes font projeter sur nous, c'est rendre à autrui le droit d'exister en nous…
L'attestation poétique n'est qu'un instant, qui secoue le langage pour lui permettre de se réorganiser sous le signe de plus d'immédiateté dans le rapport avec soi-même.
La poésie est écoute des intuitions, des pensées pour "changer la vie".

YV





Ces poèmes,

pour BRIGITTE








C’est un jour de fête foraine
Tes rires y rayonnent
Tournent en fulgurant manège.

Dans un tourbillon de lumière
Ta chevelure blonde
flotte dans l'air.

J’aperçois ton regard
Qui embrasse l’horizon
De mes rêves.

Nous chevauchons cascade bleue,
Tournent tournent les amoureux.

Dégustons la plénitude
Et la joie, à jamais
Toi, ma vie, ma bien aimée,

Toi vent doux

Si agréable

Toi ma lune

de pluie et de blé

Toi, beauté

plaisir enchanté.







Ce n’est pas une affaire d’épaules
que le fardeau du monde.

Ceux qui viennent à le porter
sont souvent les plus frêles.
Eux aussi
sont sujets à la peur
au doute
au découragement
et en arrivent parfois à maudire
l’idée ou le rêve splendides
qui les ont exposés
au feu de la géhenne.

Mais s’ils plient
ils ne rompent pas,
et quand, par malheur on les coupe
et mutile,
ces roseaux humains -
savent que leurs corps lardés
par la traîtrise -
deviendront autant de flûtes,
que des bergers de l’éveil
emboucheront pour capter
et convoyer jusqu’aux étoiles
la symphonie de la résistance











Ton âme est un vivant tombeau,
habitée par tes beaux ancêtres.
Tu les regardes à la fenêtre
de l'histoire, tombée en lambeaux.

Mais il suffit que sur un balcon
une femme hésite..., pour être
celle que nous perdons -
l'ayant vue apparaître.

Elle lève les bras
pour nouer de ses doigts d'or
ses cheveux, toujours et encore.

Combien notre histoire ainsi
gagne soudain d'emphase
et notre bonheur d'éclat.












Ces éreintantes certitudes
creusant creusant ma solitude
alors que le doute fécond
me relie à la multitude

croire ou douter
craindre espérer
entre l'espérance et la crainte
tout un train
de pensées m'éreintent
combien de wagons en transit
entre des rames qui hésitent
quais d'ennuis transpercés de brume
aiguillages sanguinolents
destinations toujours devant
fuite du temps
vers l'inconnu
toujours toujours
cet être nu
et habillé de solitude
dans le bonheur triste des gares
où tant de voyageurs s'égarent
locomotives sans motifs
chevaux fous hargneux et craintifs
qui traînent
attaché à leur queue
Mazeppa, condamné des dieux
sombre dépouille corps déchiré
solitaire parmi les cieux.








Territoires

libérés

désancrés

illettrés

balancez

vous comme des îles

sur

un océan bleu d’argile



seul un

poisson a gravé

son inutile

nostalgie.


Larmes de Kabylie.

À
LOUNES MATOUB


Lounès
de la douleur Matoub est mort,
Lounès
de la colère Matoub n’est plus.
Qui
porte sa douleur aujourd’hui ou demain ?
Qui
porte sa colère emportée par les balles ?
Le
bras du G.I.A frappe comme on crotale.
Toi
chanteur musicien poète en Berbérie
et
en toute maison ; ton corps écartelé
sur
l’Algérie entière recouvre l’océan
qui
mugit jusqu’à nous - les petits conquérants
de
jadis aux pieds secs, les mous de la cocarde
enivrés
par l’exode ; les tendres cannibales
imposant
leur loi - fiel : celle du pieux colon
qui
ravale l’Histoire à coups de République.
Le
Kabyle est sans voix, privé même de langue.
Qui
meurt au bout du compte, le poète, l’assassin ?
Lounès
Matoub est mort et la main passe en vain...
Il
Il n’y a plus d’Histoire au - delà de demain.







Les voix qui chantent faux
cortèges des semaines
les amours mécanos
le jargon de nos peines

les espoirs verrouillés
la jarre est dans l'eau morte
et les corps lézardés
les secrets sans escortes

les balcons qui colportent
sept jours comme des flûtes
sur le seuil muet des portes
le front blême qui bute

s'en vont les mains fanées
sur une grande artère
le soupir des années
et l'orgue de misère

















Proies des désirs
L’été fondait sur nous
Nous emportait dans ses remous.
L’herbe chaude à midi
Nous gardait dans ses plis.
Marée subite du plaisir
L’été nous sautait à la gorge,
Nous prenait dans ses bras.

Sel des baisers
Jeux de tendresse
Soubresauts de caresses
Arqués jusqu’au zénith,
On s’endormait rompus
Sur les roches moussues.

Je t’aimais fou de racines profondes
Mon bel amour navigateur
Et l’on s’aimait tous deux dans l’onde
D’un vert océan rédempteur.














Forteresse
de mes espoirs
tu es, déesse,
mon reposoir

Je longe tes rivières
franchis le pont
et viens te voir

Sur le seuil bouche close
tu m'accueilles
lèvres roses

Je dépose en tes mains
un écrin fleuri de pensées
toute ma joie
d'avoir cherché


Tu me souris
et le ciel noir
s'enfuit s'enfuit

Un couple au clair des nuits
sentinelle alanguie
veille sur le château
doux chant de l'eau








...Et un cheval
pour marquer la cadence !

Un étalon surgi du labyrinthe
Un cavalier
arrivé de Corinthe
aux éperons forgés
de toute urgence

Deux messagers
dans une écume blanche
pour annoncer de belles espérances
le goût des mots du sel
Du sucre de l'enfance

Enfourcher l'alphabet
être désarçonné
Tomber de sa monture
apprendre l'écriture
Et de l'alpharandole
à l'omegalipette
construire son école
suivre sa propre quête

Et un cheval
pour marquer la cadence
Une monture surgie de mon enfance.








Tu es au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
tu vas jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses

mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons

le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit

qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles

mon amour ô ma plainte
de rossignol dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidés
morts
dans le froid des plus lointaines flammes





La barque de tes yeux

a chaviré mon cœur

Entre le ciel et ton visage

Je flotte dans ta chevelure,

Comme au bord d’une branche

Un songe dans sa fleur.

Une voile s’approche

Dans les vagues mourantes,

Rose de frissons neufs.

Elle murmure ton doux nom

De chair et de tendresse.

Eaux mêlées de ma voix

Breuvage de nos rires,

Je savoure ton miel

Aux rayons du couchant.

Sur le sel de ma peau

Tu as posé les mains

Et nos corps ont chanté

De douces harmonies.















A la quête des dons de toutes ses conquêtes


Dom Juan avait - dit-on - le sceptre à la main preste


mais à la pêche aux dons le bougre s'est noyé


son sceptre de béton l'empêcha de nager.
















Même parti très loin
Je ne sais quel est le plus réel,
De ma mémoire ou de mes routes,

Quel est le vent qui pousse ces bateaux
Quelle est la mer
Qui pousse ces oiseaux.

Suis arrivé près des lagunes ocres
Où la patience des sauriens ruminait
Le long enfantement de l’homme.

Ainsi de toi, lointaine jusqu’à moi :
Ta main est ce serpent lacustre
Dont la peau frissonne au soleil
Au cœur des frontières du monde.









La terre finira-t-elle
Par aller au ciel ?
Et quand s’éteint
Le nuage qui souffre,
Se tait alors la vie
Chantée dans l’univers.

Les étoiles dans tes yeux
Succombent
Peu à peu
Peu à peur.

La nature, en larmes,
branche morte,
Sans arbre nouveau à offrir.
Et moi, je pleure
Sans arme
Triste à souffrir.

La terre tourne bleue,
Blessée,
Dans un soupir.












Seuls tes yeux me chavirent
Vers un ailleurs
Où le ciel et la mer
Sont joints à l’infini.

Ton regard me saisit
A l’éclat d’un mirage
Comme s’effacent en rêves
Une féérie d’univers.

Tu te replies alors
Au-dedans de l’extase
Et me laisses sevré
D’espaces infinis

Ô lointain pays de tes yeux
Où ma patience se déroule
Où mon espoir se réverbère
Pour sentir en nous s’apaiser
Le ressac de toutes les mers

Goûter enfin avec toi
la trêve des gouffres
Le repos des volcans.











A l’aube claire de ta bouche
J’ai bu les parfums enneigés.
Tes lèvres ont cherché la réponse
à la question jamais posée,
Balbutié des perles de givre.

Un fruit de glace
Brille dans le matin,
goutte après goutte
abreuve nos caresses.
Nos deux haleines ondulent
en guirlandes.
Le brouillard de la chambre
est semé de nos rires
Et sur nos corps
Tremblants et nus
Des flocons d’oiseaux
Se sont abattus.


















• Le plus beau des oiseaux...?

- L'ornithographe,

puisqu'il a des plumes et que le ciel est sa page.

De plus, c'est le seul oiseau qui écrive,

sans laisser de trace !

- Si nous pouvions faire la même chose quelquefois,

et simplement chanter,

comme l'oiseau.

- Effaçons-nous devant l'ornithographe,

et de nos yeux si-lents-cieux,

admirons ses troublants,

invisibles paraphes.




APPASSIONATA



J'ai tout un clavier dans la tête


une harmonie d'étoiles filantes


dedans mon âme une tempête


au bout des lèvres une amante.
















C'est pour t'avoir vue
penchée à l'ultime fenêtre
que j'ai compris et que j'ai bu
tout un abîme.

Tu me montras tes bras
tendus vers la nuit
et tu as fait que depuis
ce qui en moi te quitta,
me fuit,
n'est plus.

Ton geste fut-il la preuve
d'un adieu si grand ?
Si vrai, qu'il me changea en vent
de sable versé dans le fleuve
de l'oubli ?

C'est le trop tard, le trop tôt,
qui de tes formes décident.
Tu les habilles, rideau,
robe du vide.

Je reste l'étourneau,
inconsolable enclos
de rides.









Sens-tu le parfum de la lune ?
Il est pour toi
descendu ce soir

Telle une écharpe bleue
roulée
puis déroulée
en volute apaisée
le parfum de la lune
enlace
ta nuque fine

Lui seul
te réchauffe

Tu veux le caresser
Ce souvenir de sable
qui vient de s'envoler

Mais fidèle
il revient chaque soir
sur ta peau se poser
comme un papillon bleu
pour saluer ta beauté.















Fleur à ma porte
à ma portée
elle m'effleure
telle une portée de notes
aux vers sibyllins.

Rose de désir rose
rose désirée
rose où accrocher
ma peine montée
en épingle.

Poème pour une épine
poème pour une énigme
voilà notre but incertain

Produire du sens
hors des chemins de la science
hors de toute vérité fabriquée

Une rose frappe à la porte
et tout l'univers
est aux aguets !









Haute fleur de lumière
La chaleur des nénuphars
S’élève jusqu’à ton cou.

Tu arrives vers moi
toute ensoleillée d’existence
Bouche emplie de fraîcheur d’herbe.

Tu es l’aube dans mes bras.

Nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance
dans nos rêves bourrasques
des filets de sang
dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non !
J'irai te chercher nous vivrons sur la terre.

Coule-moi dans tes mains de soie
tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter
debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde.










En fidèle marin
sur les chaloupes de la nuit
je pêche
les songes qui dérivent.

Quand le jour s'éteint
l'océan enveloppe mes rêves.
Je chavire alors dans ses vagues
et nage vers le levant.
J'aime écrire entre ses lignes
changer d'horizon.

Dans les brumes du matin
je t'ai vue baigner nue
et au soleil naissant
apparaître
poitrine dressée
nouvelle femme
dans l'immensité.

D'un petit signe
tu m'invites
vers un rivage inconnu.
Je pose alors
ma plume et léger
vole vers ta caresse
pour découvrir
tes lignes
à l'horizon.








LA BELLE ABSENTE

Je t’imagine là comme un souffle tranquille
Robe et abeille bleue je t’imagine là

Dans la respiration paisible de la ville
Dont les arbres tremblants s’endorment dans le froid.

Je t’imagine seule à l’angle du carreau
Sous les nuages bas tu traces dans la buée
Des lignes délicates pour me dire ta pensée.


Je t’imagine seule au seuil de ton ivresse
Lointaine et disparue dans la nuit sans jeunesse.

Je t’imagine lasse, et poussée par le vent
Courbée sous le fardeau de fumées trop épaisses
Il fait si froid dans la ville ce soir.

Je t’imagine là présence inavouable
Front fleuri de la vie qui s’offre et qui se prend
Je t’imagine là comme inimaginable
Je t’imagine là quand ton souffle est absent
















Le temps d’écrire un doux message
à l’infini,
l’oiseau que j’avais mis en cage
est reparti.

Soliloques du désespoir
il s’est enfui ;
course folle à broyer du noir
le soleil luit.

La parole a quitté le livre
au crépuscule ;
la page est blanche de sons ivres
qui basculent.













Sous les paupières de l'horizon
Flottent nos rêves.
Errant parmi les vagues
Se posent tes doux pas
Qui viennent danser
A mes lèvres.
Les algues chantent
Il fait soleil
Parmi le sel et les embruns.
Caressée par la soie du vent
Frémit la chair des coquillages.
Et sur le sable de la plage,
Sortis de l’eau,
S’ébrouent nos corps
Coquelicots.




















Tu plonges

parmi les éponges

et tu t'effaces,

Sirène tu n'es plus

qu'un songe

à la surface.









Tu m'a conquis,

mon pays n'est plus mon pays,

le paysage s'est enfui.

Tous les chemins ramènent au même lieu :
toi

Le voyage est cheval d'illusion

Les braises du monde noircissent son pas démesuré.

Elles brûlent nos langues inquiètes

En lui-même, le poème se cherche,

il est cette eau noire qui nous éblouit

lorsque nous lui restituons

une lointaine lueur d'étoile :

ta lueur, ton soleil, ta chaleur

toi.



Entre le mutisme et la perte
Le vent m’apporte feuille blanche.

Exister mieux plus loin plus haut
Je n’ai pu le faire sous mon toit.

Aujourd’hui la maison
oubliée sur l’estuaire
Réinvente sa solitude.
Mélancolie des sables
aux portes de l’automne
Jour après jour la pluie griffue
Efface les couleurs

Cendre noyée du ciel
Dans le gris fumeux des étangs,
Ton absence me pèse tant.

Devrai-je attendre encore longtemps
le retour de ta chevelure
qui s'enroulait aux quatre vents
sur la grève des sentiments ?
J'ai souvenance de ta voix
qui me chantait l'amour fragile.
J'ai trahi ta confiance
et noyé ma conscience.

Désir me noyer
dans ton ventre océan
devenir le nageur bercé
le tendre amant

Toi et moi toujours deux
déchirant nos linceuls,
pour ne plus jamais
rester seuls.




Les grains bavardent clairs
au cœur de la nuit brune :
"Je mûrirai dit l'un
et désaltérerai le gosier d'un puissant
la gorge d'un enfant
le palais d'une reine.
- J'abreuverai dit l'autre,
et je caresserai les papilles des hommes
quand je serai plus grand.
- Moi, dit encore un autre,
je ne mûrirai pas
je suis déjà mourant
car je vis
Dans la peur
de me voir englouti.
- Tu ne vivras jamais le plaisir du partage
l'offrande
De ton jus la connaissance offerte
la grume délivrée.
Dessèche-toi bien vite
Pour laisser de l'espace
aux autres grains pressés
De finir en bouteilles.

"A cheval sur le vin !
Riez, frères humains !
La divine chanson sera notre boisson
et nous galoperons en joyeux échansons
pour verser dans nos verres
les crus
De l'univers."










Le soleil s'est levé
sur ton nom Boucle d'Or
tu es la lumière de mes pas.
Unique lampe en mon jardin
source de feu clair destin
tu veilles sur nos lendemains.


Boucle d'Or fleur bénie
oiseau chanteur en son doux nid
Tu es la corde le rayon
l'aile douce d'un papillon.


Bras tendus dans l'attente
moi l'aimant, toi l'aimante
je viens vers toi tu me tentes
J'avance alors funambule
aveugle pauvre somnambule
Pris de vertige
je trébuche
fleur coupée fleur sans tige
bouquet fané à peine né
lourd vestige


La nuit entre mes doigts
s'est déroulée, livide
Ne plus te voir
mon cœur se vide
J'ai perdu Boucle d'Or
L'unique lumière de mes pas
Et pourtant je reviens vers elle
le mot « trop tard » gît sous mon aile.








Aux marges du temps
Se tissent nos aubes blanches
Le corps glisse
Creuse l'écorce du jour
La terre recueille ton dernier soupir
Je porte alors ton souffle
Nourri d'absences.
Les mots s'égarent
Dans l'éclat de la pierre
Dans le bleu des paysages de l'enfance.
Laisse-moi les lire au revers de l'oubli,
Laisse-les doucement se suspendre
Au creux de ma mémoire ;
L'ombre du chemin les apprivoise.
Au détour de l'arbre
Chaque pierre abrite leurs reflets
Un creux de bleu ride l'horizon
La lumière dérive
Ecume à la frange des ans.
Au couchant
La langue de pierre
Epousera nos solitudes.
















Aucune fleur à offrir
pas même un encouragement

Je lui promis de courir
sur la route
de l'innocence

Elle était là
prisonnière de mes rêves
ligotée de solitude
crispée de douleur

Quand j'ai voulu la libérer
elle se dessécha
et disparut
dans la nuit

Mon cœur saigne
dans tes plis
coquelicot
que je
n'oublie










A ta césure mes doigts te cherchent
un papillon survit sous les algues
et baptise mes veines

Le monde s'illumine
lorsque l'archet se jette
à la cime d'un creux
Ma mémoire abrégée
cherche une issue de secours
Si je dis " voilà tout"
c'est que j'entends son haleine
obscurcir ma vue

des reflets surnagent, des flammes sonnent
des mots sont pris dans le nœud du passé
prennent maintenant ton visage pour cible

ma mémoire abrégée disparaît dans l'errance



















Avec mes restes de verdures
j'inventerai des jardins
sur tes déserts arides.
Je me mettrai debout
guettant la silhouette
qui t'habille de sentiments
empilés sur un horizon
d'amour
Je te prendrai par la main
caresserai tes cheveux
avec un vent de sable
que les médiocres redoutent
Je poserai mon poème
au creux de ton regard
comme un baiser fleuri
de mille soleils couchants
Je t'aimerai
avec l'ardeur d'un poète
et dormirai enfin
heureux comme un soupir








Les gisements de l'imaginaire
doivent être sombres
à peine sinistres
de sorte que le poète
apprécie son ouvrage
d'un regard pareil
à celui des mineurs
auréolant la pierre
de leurs yeux ténébreux

Ces mineurs battent le cœur
pendant qu'il est chaud
palpant le métal
en de folles fournaises
plongeant leurs mains
dans le galbe incandescent
d'incroyables volcans
Sensualité de l'orfèvre
sueur noueuse du sidérurgiste
A travers l'enclume
quelques danses lustrales
Extraite par un broyage
purement symbolique
le poète porte en son âme
la matière précieuse
dont sont faites les étoiles
que je t'offre.







Fleurs de murs lézardées par le vent
humiliées par le hasard
fleurs de murs pans écroulés
sur l'odeur d'une femme
avec pour péril l'instinct
fleurs de murs déserts trahis
par des traces de sang
blessures caravanières
aux bivouacs imaginaires
fleurs des murs
parfums de solitude
sous l'aisselle du poète
***
Femme criant sur les toits
étendant son silence
sur les terrasses délabrées
du cœur
Elle cherche l'amour
entre les fissures du mur
et quand enfin elle l'aperçoit
le mur s'écroule
****
Comment t'imaginer
combattre l'ardeur de la foule
avec ta frêle silhouette
seule parmi tes sens
regardant furtivement l'absurde
qui t'entoure de ses tentacules
nos idées ont vécu
sur le même territoire
aussi vaste que l'amour.








Elle est tout ce qui m’est arrivé de meilleur.

Depuis la nuit des temps en quête d’un ailleurs,
Je cherchais cette femme, ma déesse majeure,
Comme un marin perdu, tel un sombre nageur.

Partout en quelque lieu, dans les quatre éléments,
Je parcourais la terre, guidé par un aimant,
Vers l’endroit inconnu, ce pays de cocagne
Où vivrait ma princesse, vallée, ville ou montagne,
Sommet inaccessible, que j’ai enfin gravi,
Parnasse de mes rêves, caché, secret, ravi.

Dans la mienne, une main s’est glissée,
Main blanche aux doigts de fée, je n’ai pu résister.
Je l’avais reconnue
aussitôt que aperçue,
La femme tant rêvée,
Si longtemps désirée.
Elle me sourit, me plut.
Belle et noble peinture,
Alerte, et vive allure ;
Je ne la quittais plus.
Elle était femme exacte,
Unique, en tous ses actes.
Et depuis j’en suis éternel amoureux,
elle est mon chemin de lumières, pour vivre heureux.











J'ai eu froid dans mes rêves
et me suis réveillé.
J'ai marché dans les tiens
cherché
et ai touché du doigt
tes espérances
tes espoirs.
J'ai eu froid dans ma vie
j'ai revêtu la tienne.
A pas de loup
j'ai tourné
autour de ton mystère,
des larmes desséchées
gisaient...
Sur les chemins de nos vies
nous avons rencontré
le soleil
et revêtu
nos poésies.










Se promène

dans ton regard

cette solitude

qui jette ses pétales

dans le fleuve du jour.

Ce jour vient

monture blanche

galopant dans le désert

de la certitude.

Il existe

toujours en toi

un printemps

qui défie les horizons.

Tu es aussi belle

que l'amour.




Un poète vous aime
et vous donne le droit
d'être le chêne féminin
le fleuve à cent pagodes
la comète en voyage

Un poète vous aime
pour vous habituer
à faire quelques pas
dans la banlieue
de l'univers que vous seriez
s'il n'était point venu

Un poète vous aime
et vous rend responsable
d'une très longue éternité
souples aurores
lacs à poissons volants

Un poète vous aime
et tout vous est permis
pour aimer plus encore
les mots
qu'il nourrira de vous.












Le ciel est un tombeau


immense et magnifique


où courent des nuages


bêlant comme un troupeau


de bêtes alanguies


menées à coups de trique


par un vent dictateur


à la main de bourreau.










C'est à la grande loi
de l'amour
qu'obéissent
hommes, bêtes et choses,
dans un tourbillon de sable
infini
Et ce chant du désir
est mon chant.
Il enfle ma langue
comme piment,
brûle mon sang
comme poivre,
me tord sur le sable
comme serpent.
Affolé, hurlant, un mal
inguérissable
me déchire
dans ses griffes de démon
jamais las
de faire souffrir.












Quand la lumière

enlace tes pieds

aux vagues du sable,

pourquoi penser aux vagues

plus lointaines

où toute route
se noie ?

***

Et tu voyages

en avant de toi-même,

toujours précédée

de ton destin.





La paix est dans ses os
Il la sent, la respire
Unique et double alliance
Il s’arme de patience.

Elle est blonde beauté
Fière, digne d’être aimée
Craintive, mais superbe
Avec ses mots précis.

Deux cœurs croisés sans hésiter
Se cherchent et se chamaillent
Voudraient s’ébattre sans bataille
Mais les disputes, les tendresses
S’enroulent
en noire tresses.
Les apparences
ont la peau dure
Sur les squelettes.

Heureusement le bleu est là
L’intelligence et le respect.
Le conflit n’a que trop duré,
La grâce et la bonté s’allient
chassent
chagrin et jalousie.
L’union des âmes est revenue,
L’amour en actes
a survécu.
Toutes les branches
Peuvent fleurir
Il fait si doux
Dans ton sourire.











Dans l'herbe de tes lèvres
je me suis allongé.
Tout près de toi
à combler la distance.


Dans ce jardin
d'invraisemblables couleurs
je t'ai trouvé
murmurant aux hirondelles :


"Aime sans savoir pourquoi tu aimes,
Etre à soi-même son repos,
Savoir se faire face sans miroir,
chaque mot écrit un autre mot."


Quand je me suis relevé
mes vertèbres n'avaient plus peur
les herbes ruisselaient de joie
ta bouche a caressé ma main ;
et dans la sève de ton sourire
je t'ai rejoint











Fleur rare
enivre-moi de ta passion
fais-moi rêver éveillé
canalise ton parfum
en fleuve qui m'enrichit
d’encens
Tes cheveux frisent sous mes doigts
me prennent dans leurs fils
Moi
Humble pêcheur
ton regard me trouble
Tu es méandre beauté fatale
En moi
ton amour coule
Cascade de passion
violon sans archet
voix sans corde
tes chansons se promènent
Dans mes veines
Seules tes caresses
Me nourrissent
de ton odeur chaude et sucrée
Pour toi je deviens
Musicien
écrivain
Magicien
Une plume qui
m’embarque
vers tes yeux








VERS TOI

Qui écrira ma peine
déroulée sur la plage
quand le vent de sable dur
claque avec son fouet
mon visage ?
Qui dira mon chagrin,
ma détresse
quand la voix de l'aimée est si loin ?
Qui chantera mes pas
mouillés de sel
notes lourdes
noyées au bord des vagues ?
La mer, toujours la mer,
La mer est mon poème,
écrin bleu, hanîn, chawq, saboua,
collier de ma colombe
qui vole vers moi.
Toi, ma constellation
figure plurielle et unique.
J'entends enfin l'oiseau
à l'aile qui palpite.
Et vers toi
je me précipite.











Le mot est un oiseau :

- Martinet, griffe l'air,
inscris tes paraphes,
ta signature trempée
dans l'encre des orages.


- Mésange à tête noire
grave dans le bois
ton chant d'amour, picoré à tue-tête.


- Merle, inscris
tes pas sur la neige,
en vers libres.


- Aigle, tournoie
au-dessus de ton aire,
dessine un poème de joie.

- Moineaux en nombre
écrivez des mots insensés
dans les arbres de ma rue....






LES PAPILLONS DE LUNE



Les papillons de lune
Ont la mélodie pour mémoire
Leurs ailes se déposent
En caresses joyeuses
Sur notre belle histoire
Les papillons de lune
au palais
De marbre blanc et rose
Nous ont invité
Au son des mandolines
nous avons dansé.
Un orchestre anonyme
Animait le grand bal
noyé de capes et d’ors
Tournoyant carnaval.
Tu étais la princesse
Aux rayons lumineux,
J’étais entre tes bras
Le prince enfin heureux.
Les papillons de lune
Existent, pour nous deux.










AB-SANS-CE


La terre s'enterre


une bête s'embête


la flamme s'enflamme


la nuit s'ennuie


Lise s'enlise


et moi sans moi


néant l'air de rien.










Mon cœur saigne
A l’ envers
En prose
Et à l’endroit
Où flèche l’a brisé.
De désespoir séché
Mon cœur pleure
Sa peine
En tranches noires.
La déveine en ruisseaux
En remous, vagues tristes
Inonde l’univers
D’un corps à l’abandon.

C’était hier, j’ai oublié,
Le cauchemar est terminé.
Courte fut cette nuit
Elle a bu mon chagrin.
L’aurore s’est annoncée
A tes lèvres, en faim.

















Forteresse de mes espoirs
tu es, déesse
mon reposoir
Je longe tes rivières
franchis le pont
et viens te voir
Sur le seuil
lèvres closes
tu m'accueilles
doux regard
Je dépose en tes mains
un écrin fleuri
tu me souris
Le ciel noir
faiblesse en désespoir
s'est enfui
Un couple naît
au clair des jours
et pour toujours





CAVALCADE

J'habite un pays bleu

La vie est rêvée
Traversée de fenêtres en ailleurs
Lumineux
Destination ici mon cheval
Mon chez toi.
Je t'attends
Ma monture aux naseaux qui palpitent
et
Déchiffre tes yeux pour perdre mes repères.
Nous partageons alors
un bout de pain
d'éternité
au galop de nos rêves
tranchés dans le ciel vif.
Personne n'est venu
Aucun sabot frondeur
enfoncé dans le sable
J'entends le vent hennir sur la crête des flots
Personne n'est passé
Nulle trace de pas
laissé là
Sur la plage
La crinière du vent telle une écume blanche
Dans l'ombre d'un pinceau
va naître une autre enfance
les chevaux de la mer
Sont sortis de nos rêves
les chevaux
De l'enfance
ont quitté leurs manèges.








Mes galops
ne sont pas de trop
Dit le cheval à ses sabots
Entre ma queue et ma crinière
S'agite un champion sans manières

Un étalon dès la naissance
Armé de gloire et de puissance
Un destrier de haut lignage
Doué pour le saut doué pour la nage

J'ai traversé la terre entière
Les mystères de la matière
Echappé à toutes les guerres
Aux cavaliers de feu de fer

Maintenant usé par la vie
Ma litière est ma seule amie
Perspective peu cavalière
Cavaltitude prisonnière

Mes galops ne furent pas de trop
J'attends la mort au petit trot
Mourir mégalo disparaître
Impossible !
Je vais
Renaître !









Fer à cheval
cloué sur la porte
je te frotte de laine
il faut briller
Jamais, non, plus jamais
tu n'arracheras
d'étincelles à la route
Soudain loin du seuil
une crinière vibre
mémoire de la course
A l'ombre des arbres
le cheval gît dans la boue
couvert d'écume il hennit
Je frotte plus fort
et le vois debout
qui me dit
"Enfant des embruns
partons sur la mer
au firmament
de ses mystères"
Un écho de galop
coule derrière la dune
Et la lune vagabonde
a souri dans la nuit brune












ESCAPADE

Un vent de poudre

attise

le feu croisé de nos désirs.

Et dans un galop de crinières

nos mots ferrés

balles perdues

mots martelés

tracent

une chevauchée

de lumière.













Je t'ai vue cette nuit
flottant dans une bulle
Tu étais assoupie
recouverte d'un voile
courbure fidèle
joyau de lune
corps si doux

Un collier de pluie
sur ta gorge tiède
riait de gouttes bleues
J'ai voulu le toucher
la bulle a éclaté
mes lèvres charmées
ont reçu ce baiser

Tu étais libérée
nous étions réunis
par magie de la nuit.
j'ai chanté pour toi
au cœur de ton poème
tes mains, tes mains si belles
jusqu'à l'aube nouvelle.











Si j'étais un élément
je serais les embruns
qui se déposent sur tes joues
si j'étais un livre
je serais les lettres
qui caressent tes yeux
si j'étais une fleur
je serai le parfum
intense de tes rêves
si j'étais sentiment
je serai la passion
déchaînant les raisons
si j'étais oiseau
je serais ce petit rouge-gorge
si fragile, si facile à apprivoiser
si j'étais objet
je serai ce stylo avec lequel
tu écris de si jolis poèmes.













Une boîte à musique
s'est arrêtée
amours paralytiques
cœurs défoncés
Poupée démantelée
robot cynique
tu pleures tes pensées
anachroniques
Une boîte à musique
sur le pavé
amours paralysés
cœurs nostalgiques
Un triste amant chronique
qui admirait
l'amour et la musique
te veille en paix
une boîte à musique
démantelée
amours écartelés
cœurs héroïques.













Ta nuque est d'aube

et le matin se lève

dans l'attente des roses.

Ta chevelure...

et la nuit qui s'attarde

à noyer le soleil.

Pourquoi

dans l'étreinte

de ton regard

est-il toujours

midi ?




ARCIMBOLDO

( peintre qui représentait souvent
le visage humain ou des corps,
avec des fruits, des livres, des objets...)
*


J'ai la nature en moi
accrochée à mes trousses
qui sans cesse repousse
mon squelette de bois

Mes nerfs sont des racines
sculptés parmi la mousse
de ma chair que ravinent
des torrents d'herbe rousse

Mes veines des ruisseaux
en fuite dans la plaine
de mon alter ego
qui court à perdre haleine

Essoufflé je m'éteins
comme un vieux ver luisant
fossoyeur du chagrin
à la lampe d'argent.








Lui
dans les fêlures du monde,
de la peur des pères

dans le chaos navrant
d'un décor intérieur

dans les déchirures
du langage,
s'était perdu.

Il avait le pain triste
tartiné d'ombre.
Le roc avait ses larmes
qui ne s'écoulaient pas.

Jusqu'au jour où la Voix
lui enflamma les os
l'atteignit brûlante
et lui dit :
"C'est aujourd'hui toujours."

Et leur amour
fut une enfance
une immarcescible présence
fièvre
foudroyant les loups
de leurs mémoires
blessées.















La poésie n'est pas du vent, c'est le vent qui est poésie. YV.



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