vendredi 24 avril 2009

conte : le pouce...

LE POUCE QUI GLOUSSE


Il était une fois, une main dont le pouce malicieux n’arrêtait jamais de se moquer de ses petits camarades, les autres doigts.
Pouce était le meilleur : Pouce se croyait le plus malin ; Pouce était le Roi de la main. Il se trouvait le plus beau, le plus fort, le plus intelligent. Il gloussait d’aise, il gloussait de contentement. Mais, tout a une fin en ce monde, et voici ce qui lui arriva ; après cette triste aventure, jamais plus il ne gloussa !

Un jour, en effet, les autres doigts, vexés d’être toujours moqués, se réunirent au creux de la main ; bien repliés les uns contre les autres, en réunion secrète, laissant le pouce à distance ; le pouce qui les narguait du haut de sa splendeur. Voici ce qu’ils décidèrent tous les quatre : “Nous, doigts de la main droite, jurons de respecter notre entente mutuelle et de travailler ensemble, main dans la main ! Nous nous jurons fidélité jusqu’à la mort et que ce serment-serrement soit éternel !”
Après ce grave conciliabule, nos quatre compères se séparèrent et la main retrouva son calme habituel.
De temps à autre, le pouce essayait bien de se frotter aux autres doigts, mais il était systémathématiquement rejeté, repoussé par ses quatre faux-frères. Plus personne ne lui parlait ; il était en quarantaine, comme un animal malade.
Pouce se rongeait l’ongle, Pouce dépérissait. Pouce était la victime de cette guerre du silence. La main, elle, continuait son travail de main ; elle rencontrait parfois une autre main qui la serrait dans la sienne. Elle saisissait diverses choses : un silex, un morceau de bois, un fruit de la forêt, un os de dinosaure... Plus la main était évoluée et plus notre Pouce se sentait seul, désolé. Il était dans l’opposition désormais, et, dans chaque situation, il se trouvait, en effet, opposé à ce groupe de quatre. De rage, il les aurait bien étranglés, mais, il n’avait pas la majorité. Seul contre quatre, c’est difficile, même si l’on se croit très intelligent.

Il aurait bien crié : “Pouce ! on fait la paix !” mais son orgueil d’un autre âge ne le poussait guère à l’armistice. Alors, dans un dernier sursaut de haine, il se tourna vers le bas. Et désormais la mort fut son amie ; dans les jeux de cirque, on applaudissait quand Pouce se tournait vers le bas. C’était terrhorrible !

Il dut attendre des siècles pour retrouver le sourire et qu’un homme indulgent le prenne par la main, pour lui apprendre à vivre avec les autres doigts.
Ainsi, peu à peu, il se mit à faire de l’auto-stop et quand une voiture le prenait, il se tournait vers le haut en signe de victoire. C’était désormais un pouce heureux et il ne se frappait plus la poitrine en disant : “C’est moi !” Il faisait partie de la main, non plus comme numéro un, ni comme numéro cinq d’ailleurs, mais tout simplement, à sa place, la sienne.
Le pouce ne gloussait plus ; il ne se rongeait plus les sangs, et “main-tenant”, on était content de lui quand on serrait cette nouvelle main.

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