CHAPITRE II
Gwendoline a
préparé et noté, sur un grand calendrier cartonné, les différentes animations
et leurs dates, qui auraient lieu prochainement au Café du Loup rouge. Elle
s'est vraiment piquée au jeu d'animer et de mettre en valeur son lieu de
travail, où elle passe environ huit heures par jour avec Fanch.
La
prochaine animation a pour thème : « Solidaires, pour quoi
faire ? », un débat citoyen qui aura pour invité une personne qu'elle
a contactée, dont elle attend encore la réponse ; qu’elle espère positive.
C'est un humaniste éclairé, un progressiste de terrain, créateur et fondateur
de jardins solidaires dans les villes. N'est pas Pierre Rabhi qui veut, mais
cet homme est un peu son frère jumeau.
Gwendoline aimerait que des adolescents, encadrés d'adultes qui aiment le jardin,
créent une petite entreprise de paniers de légumes frais et bios, bien entendu.
Elle en a parlé avec Fanch hier soir, avant que ce dernier ne plonge dans un
profond sommeil, bercé par le chant des courges, carottes, légumes racine et
autres laitues de saison.
Viscéralement
liée à la terre nourricière, pieds bien ancrés au sol, la jeune femme se
souvient de sa petite enfance au Saskatchewan, quand son grand-père Ange Le
Morvan, natif de Plouaret, l'asseyait au jardin potager entre deux rangées de
légumes, à même le sol. Gwendoline, encore tout bébé, pouvait ainsi toucher de
ses petites mains la terre. Elle en effleurait d'abord la surface, granuleuse,
de couleur sombre. Contact tiède et humide. Puis, l'enfant aux doigts
chercheurs explorait la couche superficielle de cette tendre croûte. Portée à
la bouche et sous les narines, la poignée de terre dégageait des saveurs de
silex, d'humus, de feuilles en décomposition. Odeurs herbacées et fumées à la
fois, tandis que le goût en bouche, malgré le contact rêche sous la langue, se
montrait des plus agréables. Son grand-père, le dos courbé, n'ignorait rien de
cet apprentissage car de temps à autre, il jetait un coup d’œil en arrière,
soucieux d'exercer une surveillance – discrète mais efficace - sur sa
descendance. Le retraité souriait devant les grimaces et sourires qui
alternaient sur la face de sa petite fille. Elle, yeux plissés, les joues
barbouillées de terreau et granulats les plus divers, offrait son doux visage
au soleil bienfaiteur.
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