lundi 29 mai 2017

prochain roman, extrait...



CHAPITRE I



Le réveil sonne à sept heures pile pour Fanch Bugalez qui a mal dormi. Blotti contre Gwendoline, il ne cesse de presser son corps contre elle. Bougeant, remuant, l'homme entoure de ses bras le cou et les hanches de sa bien-aimée. Qui finit par réagir :
-  Quand tu auras fini de me réveiller, préviens-moi !
Et voilà notre Fanch Bugalez tout décontenancé. Lui si sensible, nerveux et agité depuis qu'il a repris « Le Café du Loup Rouge » avec sa compagne, n'ose soudain plus bouger. Ni respirer. Plusieurs anges passent, un goéland  s'esclaffe sur la toiture au-dessus d'eux.
-  Tu respires ou tu es mort, l'interroge Gwendoline?
Deuxième coup de semonce, bien que prononcé avec une pointe d'humour. La première injonction a aussi été formulée sur le ton de la plaisanterie, mais Fanch, obsédé par sa propre nervosité, n'en avait pas saisi la nuance.
  -  Gwendoline, je sens que je bande.
-  Tu le sens, d'abord ? Ou tu bandes, après ? A moins que tu ne fasses les deux en même temps ! Car si c'est une érection avant miction, dis-toi que c'est mission impossible...
Et la femme éclate de rire, bien réveillée cette fois-ci.
Fanch, plutôt vexé mais beau joueur, allume la lampe de chevet, se lève d'un bond, et va assouvir un besoin naturel en vidant sa vessie tourmentée. Puis retourne au lit, une idée derrière la tête. A peine est-il allongé que le téléphone sonne.
-  Et voilà ma chance ! Moi qui voulais te faire un troisième enfant, peine perdue...
  -   Allô, oui, qui est-ce ? Vous avez vu l'heure ? 
Haussant les épaules, Gwendoline pouffe en silence, puis ébouriffe sa longue chevelure brune, poitrine en avant, superbe et provocante. De quoi décontenancer le pauvre Fanch.
-   C'est Félix, Félix Stereden, le tombeur de ces dames...
-  … Et la catastrophe de Trébeurden !
-  Ne te moque pas Fanch ! Ton bar a été cambriolé cette nuit. La devanture est brisée, la poignée d'entrée tordue, et la porte du bar a bien souffert. On dirait un crash à la voiture-bélier !
-  C'est une blague ou quoi... T'es encore bourré Félix ?
- Non, je te dis ! A jeun je suis, et déjà sur la piste des cambrioleurs. Ils ont laissé un mot sur le comptoir, car je me suis permis d'entrer.
- Un mot ? Mais quel mot ?
-  « FUCK BUGALEZ » !
Félix a prononcé fuque. Ce qui met Fanch dans un embarras immédiat.
-  Fuque, ça veut dire quoi, à ton avis ?
-  « Va te faire enc... » ! Désolé d'être grossier Fanch !
-  Ah, tu veux dire feuque ?
-  Oui, si tu veux... Et tout le tabac a été volé ! Plus un paquet de cigarettes sur tes rayons !
Un silence.
-  La fumée ne va pas les empêcher de tousser, c'est certain !
-  Et c'est tout ce que tu trouves à dire, Fanch ?
-  Oui ! Je suis estomaqué, sonné, glacé, douché à sec, mal réveillé ! C'est tout ! Attends-moi devant le bar ! J'arrive dans cinq minutes. Merci quand même ! »

Félix a raccroché, dépité.
« C'est comme ça qu'on me remercie ! Y'a plus d'saisons dans cette année, plus d'respect pour un adjudant-chef à la retraite... »

Le Félix qui vit désormais à Perros-Guirec, trouvant plus chic d'habiter cette station balnéaire très connue, fait les cent pas devant le « Café du loup rouge ». Le retraité retrouve ses bas instincts de limier, son flair à la dérive.
-   Encore un coup des écologisses qui croivent que, pour avoir la santé, c'est de voler le poison des autres. Si le cancer du tabac ne m'a jamais effrayé, c'est pas des voleurs à la manque qui vont sauver la Sécu en détruisant les stocks de cigarette en France. C'est devenu une mode ces vols ! Le terrorisme vert ! Va falloir sévir contre  Europé Kologie ! Tous ces écolos qui s’imaginent supérieurs au commun des immortels,  avec leurs études en vert ! Moi, je sais très bien qu'une carotte, ça pousse pas dans un frigogidaire. De même qu'un poisson pané, c'est pas non plus au congélateur qu'il a grandi ! Ces verts bobos nous font des débats sur l'agro, sur l'agglo, les vélos ! Mais jamais sur les négros, les clodos, les homos ! C'est du bourrelage de crâne qu'ils nous labourent la tête avec ! Tout ça va faire de nos gosses des verts de gris ! »
  Ces élucubrations extradivagantes noient le cerveau du pauvre Félix jusqu'à nous en donner le tournis...
  Heureusement, un homme d'action arrive, et quel homme ! Fanch sort de sa vieille Mercedes break au petit trot, le sourcil bas, la joue pas rasée.
-  «   Merci camarade Stereden ! On voit que tu restes un bon chien de la République !
- Ne commence pas avec tes réflexes de petit libertaire. Occupe-toi plutôt de ta boutique.
Ping-pong verbal habituel entre deux frères ennemis qui se connaissent depuis des lustres. Fanch photographie d'abord les lieux. Au sens propre et figuré. Il a sorti un téléphone portable dernière génération qui estomaque son vis à  vis.
- Eh ben mon colon, te voilà équipé à la mode bobo !
-  Bobo ou pas, je flashe à tout va. La scène de crime, toi tu connais ! Et pour aller plus vite avec les assurances, je prends les devants.

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